Le projet est né des nombreuses fois où les réalisateurs vénézuéliens Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas se sont rendus aux États-Unis, mais aussi des témoignages de leurs familles et amis. Ils confient : "De là, nous avons élaboré une histoire qui serait racontée du point de vue d’un couple formé d’un Vénézuélien et d’une Espagnole – donc une Européenne –, qui doivent passer par le même processus d’immigration. Lui fait profil bas."
"Elle, brandit ses droits face à cette expérience qui la déstabilise. Ce qui nous intéressait, c’était de raconter au grand jour ce qui, généralement, se déroule derrière les portes closes des aéroports."
Au début, Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas voulaient simplement partager une expérience personnelle : "Mais bien sûr, nous n’ignorons pas le contexte dans lequel nous racontons l’histoire. Le film est donc politique car le simple fait de choisir de raconter cette histoire l’est. Il parle des dynamiques de pouvoir, du harcèlement, des problèmes d’autorité, des endroits où vous pouvez soudain vous sentir extrêmement vulnérable selon vos origines, la méfiance que nourrissent certains envers vous selon ces mêmes origines."
"Border Line est absolument politique mais il ne pouvait pas être uniquement politique. Il était crucial que le spectateur soit impliqué émotionnellement."
Les cinéastes ont choisi de situer le récit lors de la présidence de Donald Trump, période durant laquelle la construction d'un mur séparant le Mexique de États-Unis a été entamée : "Nous avons toujours eu à nous justifier pour obtenir un visa puis pour espérer passer la frontière. C’était déjà le cas sous l’administration Obama, par exemple. Évoquer le mur au début du récit nous permettait également d’élargir le sujet à ce que peut faire l’Europe avec ses migrants."
"On évoque aussi la récente déclaration d’indépendance de la Catalogne. L’extrait qui passe à la radio au début du fi lm est réellement issu d’une émission de l’époque et nous voulions l’utiliser parce qu’il résume parfaitement les thèmes du film."
Avec Border Line, Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas voient les traces d'Un Après-Midi de Chien de Sidney Lumet. Ils précisent : "Mais c’est de l’ordre de l’inconscient. Au début, nous n’avions pas conceptualisé le film comme un thriller social, nous voulions simplement raconter ce qui nous arrivait à l’aéroport. Mais on est forcément le fruit de nos influences, pour le pire comme pour le meilleur. Notre monteur italien qui vit à Barcelone, Emanuele Tiziani, a donné un certain rythme au fi lm, à son tempo, qu’on peut trouver dans certaines productions américaine."
Dès le début, Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas voulaient réaliser un film réaliste, sans mouvements de caméra ostentatoires qui sortiraient le spectateur de l’histoire ou lui feraient sentir qu'il est au cinéma. Les metteurs en scène expliquent : "Il fallait qu’il soit assis dans cette pièce avec les personnages. Pour conserver la tension, nous ne bougions la caméra uniquement quand elle le devait. Quant à la lumière, on aurait pu faire des choix plus cinématographiques – les salles d’interrogatoire ont tendance à être plus sombres dans la vie – mais aux répétitions, on a vu que ça ne marchait pas."
"Et puis on ne voulait pas travailler l’éclairage au point que le spectateur ait l’impression qu’on la manipulait en studio. Ce que j’ai fait, c’est que j’ai préparé une lumière centrale pour la pièce d’interrogatoire, et je ne l’ai jamais touchée. Nous avions un petit budget, nous devions tourner vite : impossible de modifier la lumière à chaque changement d’axe. Nous avions deux caméras. L’une pour filmer le personnage qui posait les questions et l’autre pour les plans de réaction, dialogues et langage corporel confondus. Toute la technique était au service du réalisme dans un souci d’immersion."
"Border Line est un film de dialogues. Nous devions savoir exactement comment le découper afin qu’il ne soit pas ennuyeux à regarder pour le spectateur. Ce sont les dialogues qui guidaient le découpage et les choix esthétiques."