Une cité d’un quartier populaire s’embrasse lorsque le jeune Idir décède des suites d’une prétendue intervention de police. A feu et à sang, tous les jeunes du quartier se liguent contre les forces de l’ordre. La fratrie se déchire alors sous nos yeux, le grand frère Abdel doit jongler entre les envies de vengeance et de meurtre de Karim le petit frère et de l’autre, le business de Moktar, le cadet, préférant privilégier son deal de shit plutôt que de prendre fait et cause pour son frère disparu…
Une fois n’est pas coutume, Romain Gavras ne laisse pas indifférent en transformant une cité populaire en tragédie grecque (dont le titre fait référence), en nous entraînant au cœur d’une guerre entre jeunes de cité et CRS.
Ce que l’on retiendra le plus ici, c’est la façon avec laquelle le réalisateur aura su transformer sa cité Athena en une sorte de château fort, avec les jeunes se barricadant sur la dalle, face aux forces de l’ordre en contre-bas. Mortiers, feux d’artifice, frigidaires, caddies, véhicules embrasés, tout est bon pour foutre le "zbeul", entraînés, voir gangrénés par Karim, tous les jeunes du quartier se transforment en animaux assoiffés non plus vengeance mais de meurtre. La mise en scène s’avère brillante, les (vrais ou faux) plans-séquence y sont légion, les panoramiques, les plans aériens ou depuis une grue, viennent magnifier chaque recoin de cette lugubre cité. Le film a été tourné à la "dalle du Parc aux Lièvres", un quartier historique d’Évry-Courcouronnes (en pleine mutation, la cité au moment du tournage était déjà inhabitée en vue de sa démolition).
90min durant lesquelles le réalisateur nous entraîne dans un chaos généralisé & spatialisé sur une seule et même unité de lieu (la cité) et sur une seule temporalité (l’espace d’une journée). Spectaculaire visuellement parlant, clairement on en prend plein les yeux pendant 90min, 500 figurants sur le terrain qui se seront entraînés pendant un mois ½, le résultat s’avère réellement bluffant. Mais à trop vouloir esthétiser la violence, le réalisateur en oublie l’écriture et le développement de certains personnages (le personnage de Moktar, Sébastien revenu du Djihad ou encore le revirement soudain d’Abdel).
Enfin, que dire de la place de la femme dans film ? Elles ne sont que deux en tout et pour tout, la mère et la sœur, quasi inexistantes dans ce monde d’hommes, régit par les hommes et écrasées par le patriarcat. Reléguées au second plan, il faut ouvrir l’œil et le bon si l’on veut tenter de les apercevoir, serait-ce un fantasme ou la réalité du monde des cités ?
Cette tragédie familiale vaut le coup d’œil ne serait-ce que pour sa mise en scène virtuose et d’excellents interprètes (dont Dali Benssalah), le tout, superbement accompagné par une bande son signée Gener8ion (et notamment le remix des Princes de la ville).
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