Frère et sœur, le dernier Arnaud Desplechin, est fréquemment conspué depuis sa présentation au dernier Festival de Cannes, et honnêtement : on cerne bien pourquoi. On le voit comme une parodie du drame bourgeois, et on ne comprend pas comment on peut le prendre au premier degré (sinon : effectivement, on passe un très mauvais moment à essayer de justifier chaque scène exubérante). Peut-être que l'on se trompe, et que le propos de Desplechin était bien sérieux, et en ce cas on vous souhaite bien du courage pour supporter cette ouverture avec la
mort des parents
, dans laquelle rien ne va, rien du tout. Voici qu'arrive
une voiture fonçant sur un arbre en zigzaguant (pourquoi pas, les malaises existent), mais les parents décident de s'arrêter en plein milieu de la route plutôt que sur le bas-côté (et ne sont pas pris de panique, puisqu'ils pensent à mettre les warnings... Bon, admettons, l'inintelligence existe), puis le camion qui klaxonne avant même d'entrer dans le champ de vision, puis qui arrive à fond en zigzaguant aussi (euh...), et la mère qui avance au milieu de la route pour se faire écraser (on s'est entendu dire "Mais ils sont tous bourrés, c'est ça ?").
A peine commencé, on a tapoté notre nez en se disant que la parodie n'était pas loin, ce que la suite nous a confirmé, entre
Melvil Poupaud qui vole dans le ciel pour aller taper au carreau de la chambre d'hôpital de son papa (Superman, version frenchy), Marion Cotillard qui pleure à grandes eaux en se plaquant violemment les mains sur le visage, qui enguirlande un pauvre pharmacien, puis Melvil qui lamine oralement son neveu alors qu'il venait un peu plus tôt de le serrer dans ses bras en lui disant qu'il "lui rappelait son fils", qui se jette à terre comme un gardien de foot pour ramasser des conserves tombées sur le sol d'une grande surface, qui galère à reconnaître sa sœur alors qu'ils ne se sont pas vus depuis cinq ans à peine et qu'ils n'ont physiquement pas bougés d'un cil, et se réconcilient en deux phrases (comme si de rien n'était)...
Vraiment, on ne sait pas quelle scène excessive ne nous a pas hurlé sa parodie, ne nous a pas planté dix panneaux d'avertissement "attention, critique des drames ronflants", et on a une grande compassion pour ceux qui l'ont pris au premier degré (ça doit faire mal, très mal). Pour notre part, on n'a pas vraiment saisi où Desplechin voulait en venir avec son discours sur les bobos riches ("ils s'ennuient, n'ont pas de problèmes, donc se haïssent sans aucune raison, parce qu'ils n'ont littéralement rien d'autre à faire ?", c'est un peu caricatural, poussif, et restreint par le fait qu'ils enterrent du monde dans le film, tout de même... Non, vraiment, on pense que le propos s'approche de ce discours, très maladroit voire contradictoire par moments, mais auquel on se raccroche comme à une branche dépassant d'une falaise, ne voulant pas tomber dans le gouffre du "c'était bien sérieux", car revoir Frère et soeur avec cette vision nous terrifierait). D'ailleurs, le titre peut aussi être vu comme un gag : dès le début on nous présente la sœur et son frère, mais pas le bon (en fait, ils sont trois... Frères et sœur ?). Vraiment, on espère que ce film est une parodie du drame bobo boursoufflé, avec, dans ce cas, son lot de scènes absurdes, excessives, qui en deviennent drôles.