A l'origine du film, il y a la volonté de Claus Drexel d’écouter ces personnes âgées que la société occidentale, centrée sur le productivisme et le profit, ne considère souvent plus que comme un problème. Le réalisateur précise : "Pourtant, ces gens ont une expérience de vie bien plus grande que la nôtre ; ils représentent une richesse énorme mais, en dehors des relations que l’on a avec les membres de nos familles, on ne les entend pas. J’ai voulu leur donner la parole."
"J’aime prêter l’oreille à ceux qui ne s’expriment pas – les personnes sans-abris dans Au bord du monde, les personnes en situation de prostitution dans Au cœur du bois… Aller vers l’autre, découvrir celui qui est différent de moi, c’est ce qui me donne envie de faire des documentaires."
Le panel des personnes que Claus Drexel a rencontrées est vaste. Le cinéaste confie au sujet de ses critères : "C’est quoi être vieux ? À quel âge l’est-on ? C’est une question dont nous avons beaucoup débattu avec Laurent Lavolé, mon producteur. Devions-nous nous concentrer sur les centenaires qui sont plus de vingt mille en France ? Le choix nous semblait trop théorique. Nous sommes tombés d’accord pour rencontrer des personnes nées avant le début de la deuxième guerre mondiale."
"C’était intéressant de recueillir leurs souvenirs : elles avaient vécu ce qu’était le monde avant 1939 et pouvaient témoigner du changement radical opéré à partir de cette date. De fil en aiguille, l’éventail s’est élargi : les plus jeunes ont à peine quatre-vingt ans et la plus âgée en a cent deux."
Dès le départ, Claus Drexel a entrepris un tour de France des personnes âgées qui raconte en filigrane l’histoire du pays et sa transformation au fil des décennies, sans aucune prétention d’exhaustivité : "Ce serait impossible. Je le dis toujours à propos de mes documentaires : 'Ce n’est pas un film sur une thématique mais sur quelques personnes que j’ai rencontrées, avec un point de vue différent pour chacune'."
"Les rencontres se sont beaucoup faites par le bouche-à-oreille et grâce à un formidable travail de prises de contact de l’équipe de production… Les 'profils' se remplissaient peu à peu. Comme je tenais, par exemple, à interviewer d’anciens mineurs, ils ont contacté des associations en Alsace et dans le Nord de la France. Et ainsi de suite. Il a fallu ensuite organiser un parcours assez précis", confie le cinéaste en ajoutant :
"Généralement , nous roulions durant deux ou trois cent kilomètres le matin et arrivions en début d’après-midi chez les personnes. Nous dormions sur place et reprenions la route le lendemain matin. Nous sommes allés partout : en Alsace, en Bretagne, au Pays Basque, en Auvergne, en Corrèze, dans le Cantal, Les Cévennes, les Alpes, la Corse… Mais malheureusement pas en outre-mer, pour des raisons de coûts de production."
C’est la troisième collaboration entre Claus Drexel et Valentin Hadjadj, un jeune compositeur de grand talent : "Nous voulions, pour ce film, une musique presque hypnotique, qui apporte une dimension mystérieuse et poétique. Les séquences avec les plans de nature ont été conçues pour recevoir cette musique afin de créer un sentiment d’inquiétante étrangeté", confie le réalisateur.
Les Vieux donne la parole à de nombreux immigrés et l'on sent à quel point leurs discours diffèrent de ceux des générations qui suivent. "La France m’a ouvert au monde", dit l’homme du Béarn. "Dans les HLM, où nous vivions, il y avait des Africains, des Juifs et des Arabes et jamais nous n’avions aucun mot sur la religion. Il n’y avait pas de différence entre nous", renchérit un couple d’amis marseillais :
"Il est essentiel, à mon avis, de bien faire comprendre aux jeunes d’aujourd’hui — à ceux qui grandissent dans un monde terriblement clivé et qui n’ont connu rien d’autre — que le repli communautaire, quel qu’il soit, n’est pas une fatalité. Il est possible de vivre harmonieusement ensemble. Le monde est ce que nous en faisons. Tout est possible", raconte Claus Drexel, en poursuivant :
"Mais je ne sais pas pour quelle triste raison, il est beaucoup plus facile de propager la haine de l’autre que l’ouverture à l’inconnu, à celui qui est différent. Mais quand l’avenir est incertain, l’humain est très facilement tenté par le discours du « nous contre les autres ». Tout est lié à la peur, je crois."
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