Hommes au bord de la crise de nerfs : les secrets du tournage

Pour écrire le scénario, Audrey Dana et Claire Barré ont réalisé des centaines d’interviews d’hommes anonymes. Leur questionnaire comportait quarante-quatre questions, qui permettaient de faire le tour d’une personnalité, comme par exemple : Quel est votre grand complexe ?, Quelle est la pire chose qu’on vous ait dite ?, Quelle est la pire chose que vous ayez faite ?. La réalisatrice précise :

"Ces hommes y confiaient leurs peurs, leurs doutes avec une sincérité bouleversante. Et à la question : 'Qu’attendez-vous d’un film qui parle des hommes ?', quatre-vingt-dix-huit pour cent des réponses disaient toutes la même chose : 'Qu’il montre que nous aussi, nous avons peur' ! Certains ont même exprimé leur souhait de voir un film où les femmes n’ont pas le monopole de la sensibilité et de la rondeur !"

"La phobie de la castration du personnage de Ramzy ou les crises d’angoisse du personnage de Laurent Stocker, par exemple, sont inspirées par certains de ces récits. Ce matériau précieux est à la source de ce scénario."

Pour dresser le profil psychologique des personnages, Audrey Dana et Claire Barré ont gardé les profils qui leur semblaient le plus parlants dans les entretiens qu'elles ont réalisés : "Nous avons aussi volé beaucoup de traits de caractère aux hommes de nos entourages : maris, frères, fils, amis…"

"Puis nous nous sommes inspirées des sept neurohormones que nos corps sécrètent et qui influent sur nos personnalités : l’ocytocine, l’œstrogène, la sérotonine, l’acétylcholine, la noradrénaline, la dopamine et la testostérone. Chacun de nos personnages repose sur une hormone dominante", précise la cinéaste.

Audrey Dana a tourné Hommes au bord de la crise de nerfs en août 2019 et a commencé à l’écrire en 2016. Elle confie : "Je suis une amoureuse de la nature. Mon métier consiste à faire du cinéma et du théâtre, qui y sont a priori déconnectés, mais ils sont une porte ouverte au sacré."

"Avec cette boîte noire-là, on peut se relier à la nature et c’est bien ce qui est magique. En projetant des plans tournés en forêt, on envoie de la chlorophylle ! Il a été prouvé scientifiquement que l’on peut se ressourcer et se calmer en regardant des images d’arbres, par exemple…"

Avec Hommes au bord de la crise de nerfs, Audrey Dana retrouve Marina Hands après Sous les jupes des filles. Elle avait par ailleurs joué aux côtés de François-Xavier Demaison dans Tellement proches et Pour Sarah.

Audrey Dana a choisi la terre du Vercors, un massif montagneux situé dans les départements de l'Isère et de la Drôme, pour tourner le film. Elle explique pour quelle raison : "Car c’est la terre des loups et des rapaces, qui sont des animaux qui représentent quelque chose de fort pour moi."

"J’aimais que ce soit une zone blanche, puisque mes personnages se retrouvent à participer à un stage dont l’un des enjeux est de les déconnecter de leur quotidien. Le Vercors est une région sauvage, qui m’a semblé idéale pour ce film où la nature tient le rôle principal."

Audrey Dana souhaitait que les couleurs de l’arc-enciel soient présentes dans le film : "J’en ai personnellement assez du noir et du gris. J’ai besoin de couleurs, ça me fait du bien et ça m’harmonise. Si cela agit sur moi, cela peut être bénéfique aux gens aussi. J’ai donc mis beaucoup de couleurs à l’image pour prolonger l’idée de la guérison qui traverse le film", confie la réalisatrice.

Le film a fait partie de la Sélection Officielle de l'Alpe d'Huez 2021.

Il y a eu, durant le tournage du film, beaucoup d’improvisation. Une volonté d'Audrey Dana, qui voulait que le scénario soit "uniquement" une promesse, comme elle l'explique : "Je ne disais jamais : « Coupez ! » et laissais tourner la caméra après les scènes. Nous avons toujours tourné à deux caméras. C’était une cocréation."

"Certains, comme Thierry Lhermitte, avait des idées pour les autres ; chacun faisait des surprises à l’autre, c’était très joyeux ! Il y a eu aussi des tours de force : toute la scène où Marina Hands est défoncée aux champignons est de l’impro à cent pour cent !"

Les titres des deux premiers films, Sous les jupes des filles et Si j’étais un homme, étaient des titres de chansons. Le titre Hommes au bord de la crise de nerfs fait cette fois-ci penser à un film : "Étant dans l’idée de réconciliation, j’aimais que le mot 'femmes' soit comme tissé inconsciemment à celui d’'hommes'. Puisque l’on pense au titre de Pedro Almodóvar, je voulais montrer que cette 'hystérie' qu’on dit si féminine peut aussi être portée par des hommes", raconte la cinéaste.