Il semblerait que le temps et la notoriété publique aient dissout, du moins aseptisé, la révolte dont le cinéma d’Albert Dupontel était le gardien. Car quand Bernie représentait, entre autres, les violences policières, il le faisait pour agir sur son époque et inventait une forme apte à l’exprimer. Adieu les cons surfe sur les vagues médiatiques actuelles, du politiquement incorrect léger – rire des aveugles, il fallait oser !.. – aux flics dont on se moque du début à la fin, lourdement, sans raison apparente sinon celle de répéter les plats discours que nous servent les journaux du soir, sinon celle de filer, telle une métaphore, l’image du couple-martyr dont le septième art est abreuvé, et qui s’avère ici on ne peut plus gratuite. C’est du Bonnie & Clyde version Soupline, molletonné et tendre, du Thelma & Louise sans âpretés, du Queen & Slim sans cause sinon celle d’un public conquis par avance qui s’installe confortablement dans les fauteuils d’une salle d’un cinéma encore ouvert. Le film aborde le thème de la perte du lien social mais la tient comme pré-acquis, sans jamais l’incarner à l’écran ou alors pas assez, empêtré qu’il est dans des schémas d’exécution qui contraignent la mise en scène à constamment rechercher la virtuosité formelle sans l’articuler à un sens profond. Pourtant, l’inventivité a son charme, et Adieu les cons sait bouleverser. Une déclaration d’amour, à distance, met les larmes aux yeux. Tout comme la beauté du personnage interprété par Virginie Efira. Le long métrage de Dupontel constitue ainsi une demi-réussite : son cœur est gonflé de sentiments authentiques, mais son cœur est trop facile d’accès, il se dévoile vite. À l’opposé de ce fils qui doit déclarer sa flamme sous les cris d’une alarme incendie. Le comique paraît appuyé et limité, comme si le personnage de l’aveugle, ici élément dont la seule fonction est de susciter le rire, avait été greffé à une œuvre qui, elle, n’était pas drôle, ou ne devait pas l’être. Mais la poésie est bien présente, et c’est ce que nous retiendrons d’Adieu les cons, œuvre humaine et belle dont la révolte promise par le titre est une fausse piste, ou l’aveu d’un assagissement.