Un grand classique du cinéma français au succès retentissant malgré la gravité de son sujet. Le scénario : une pure fiction ? Oui et non, car le réalisateur Louis Malle s’est inspiré d’un fait réel qu’il a lui-même vécu quand il était enfant et qui l’a profondément marqué, pour ne pas dire durablement choqué. C’est donc avec une immense sobriété teintée d'une sourde douleur qu’il présente une histoire que beaucoup de monde a salué comme un seul homme, mis à part une poignée d’internautes que je trouve bien difficiles. Je leur accorde cependant le fait que suivre le quotidien d’un pensionnat catholique puisse être un peu rébarbatif, voire chiant : entre les jeux de récréation, les chamailleries et les coups bas entre élèves, l’agitation bruyante du dortoir, les défis envers les interdits, et j’en passe… Cependant, ça nous permet de constater qu’à l’époque, on était capable de s’amuser avec pas grand-chose ! Cela dit, tout cela sert de tremplin à la chute de l’histoire qui, sans connaître le fait réel de base et sans avoir jamais vu ce film, ne manquera pas de provoquer une vive émotion chez le spectateur. Certes on devine très rapidement comment cela va se finir, mais pour quiconque n’ayant jamais eu l’occasion de découvrir ce film, on se prend à espérer jusqu’à la claque qui pourrait s’avérer monumentale de par l’ampleur de la chute. Poussé jusque dans ses moindres détails, le souci de crédibilité fait de "Au revoir les enfants" une œuvre authentique menée avec la plus grande simplicité, dans un triptyque décors-costumes-accessoires qui nous plonge sans aucune difficulté au cœur des années 40. Julien Quentin et Jean Bonnet sont interprétés par deux jeunes comédiens qui font là leur première apparition à l’écran. Ainsi nous les voyons évoluer dans un environnement où les gamins en culottes courtes expriment toute leur méchanceté, et si la guerre n’est dans un premier temps jamais évoquée, nous comprenons vite l’époque à laquelle se passe l’histoire et l’appartenance religieuse de Jean Bonnet, sans que jamais (et c'est là le plus fort) Louis Malle ne révèle nommément quoi que ce soit, comme pour laisser le spectateur découvrir les choses en même temps que les protagonistes, ou presque. Ainsi nous nous rendons compte que même dans ce milieu très fermé qu’est un collège catholique, le marché noir existe pour tenter de survivre aussi bien que possible dans un pays dévasté par la guerre et… occupé. Et ce malgré l’encadrement bienveillant des moines parmi lesquels on reconnaîtra François Berléand. Si, si. C’est qu’il fait un curé très convaincant, le bougre ! Et bien qu’il ne fasse que de rares apparitions, on sent toute la gentillesse et la dévotion de son personnage. Comme quelqu’un de totalement impliqué, en fait. A travers lui, mais aussi à travers le Père Jean, on sent que Louis Malle témoigne une admiration sans faille et une éternelle reconnaissance envers les ecclésiastiques (sauf peut-être l'infirmière...). D’ailleurs son film n’est pas exempt de partis pris, puisqu’il en profite même pour égratigner au passage la milice française. C’est donc avec une certaine compassion que nous suivons ces deux gamins, dont le jeu d’acteur s’étale en toute liberté, sans musique, ou presque. La réalisation et le montage rendent la narration incroyablement fluide, et c’est avec surprise que nous parvenons au bout des 103 minutes de cette chronique, pourtant menée à un rythme très lent. Enfin, la force de ce long métrage réside aussi en la photographie, constituée par des cadrages de Louis Malle de toute beauté. Une œuvre utile pour ne pas oublier, pour bien garder en mémoire que personne n’a été épargné.