Critique contenant quelques spoilers de plus ou moins d'importance.
Il aura suffit d'une soirée sans trop de film à voir pour tomber sur la version allemande de l'expérience de Stanford (ou de Zimbardo), remaké presque dix ans plus tard par une version américaine déjà chroniquée. Neuf heures du soir, le film commence sur les chapeaux de roue, marqué par une photographie très soignée, poisseuse et sombre. On sait d'avance vers où tend l'oeuvre : l'affiche et le remake nous auront suffisamment spoilés le ton que le tout prendra.
Alors on attend patiemment, on savoure les instants de répit, de développement des personnages, de ce calme avant la tempête au background intéressant; on se questionnera sur l'intérêt de développer le métier de journaliste de notre héros, d'en faire le moyen principal de combattre les sévices que tous subiront, si la conclusion ne donnera aucune importance aux fichiers vidéos filmés du début à la fin, sans jamais incriminer les fautifs pour les images tournées.
Et s'il est une chose de certaine, c'est que L'Expérience est une oeuvre largement plus complète que son cadet ricain; développant parfaitement une poignée de ses protagonistes quand le remake se perdra à tenter de rendre tous ses personnages attachants, le film d'Oliver Hirschbiegel explore moins de thèmes de psychologie et le fait avec moins de pertinence, préférant nous livrer ce qui manquait à l'oeuvre de Paul Scheuring : un air de progression dramatique, une intrigue qui va crescendo dans la violence et le déchirement.
Réussit en ce sens, L'Expérience sait ménager ses personnages et les humiliations qu'ils connaissent pour faire monter la tension et le ressenti du spectateur, passionné par cette histoire librement romancée de l'expérience de Zimbardo. Violent, psychologiquement dur et terrible pour son climax, ce métrage allemand se caractérise autant par la profondeur et la qualité de son écriture que par la qualité de son interprétation, chacun des acteurs affichant un charisme rendant directement leurs personnages attachants et passionnants à suivre.
La palme revient au duo Bleibtreu/[Berkel, deux héros qui mènent la danse avec un talent animal, et qui s'affichent comme la seule lueur d'espoir au sein de ce torrent de noirceur, uniques figures bourrines qui, par la violence de leur détermination, offrent une perspective de climax jouissif pour un spectateur passablement énervé par ce qu'il voit à l'écran.
Et s'ils campent parfaitement leur rôle, nul doute que l'interprétation sobre de leurs opposants, matons sadiques et cruels, souligne la justesse du tout; on pourrait aussi dire de la mise en scène qu'elle joue un rôle prépondérant dans le succès du film, tant par son réalisme cru que par la fantaisie jouissive de ses élans de violence en conclusion d'intrigue, sorte d'exultation de joie face au destin des tortionnaires fous.
Globalement divisée en trois codes couleurs (bleu, vert et noir), elle présente de super plans posés, renforcés par la beauté d'une photographie aux jeux d'ombre soignés, et de ses quelques plans séquences bien sentis qui terminent de poser l'atmosphère palpable de ce petit bijou allemand. On pourra lui reprocher quelques excès de surjeu, des points d'écriture qui déconnent (notamment de moins s'intéresser aux répercussions psychologiques qu'à la manière que tous auront de se venger), mais il est sûr qu'entre La Vague et L'Expérience, on tient sûrement deux des plus grands films sortis sur la violence que peuvent entraîner des convictions, une idéologie, ou la simple présence d'une autorité supérieure dictant des règles qui vont, le pense-t-on à l'origine, à l'encontre de nos valeurs.
Excellent.