Attention, ce documentaire, quasi found-footage tristement réel, s’avère particulièrement éprouvant à affronter. A l’aide de son smartphone, Waad al-Kateab a documenté la guerre civile syrienne, depuis les premières manifestations contre le régime jusqu’aux bombardements dévastateurs effectués par ce dernier (aidé par l’aviation russe) contre les quartiers d’Alep tenus par les insurgés. Le témoignage final qu’on a sous les yeux a bien évidemment fait l’objet d’un patient travail de sélection et de montage une fois Waad al-Kateab réfugiée en Grande-Bretagne mais bien que militante aux côtés de son mari, la jeune femme ne cherche pas à délivrer un message politique ou à tenter d’expliquer la complexité des forces en présence. Elle s’interroge, elle ressent, elle cherche à comprendre comment ses rêves se sont brisés, tout au long de ce témoignage vibrant de sincérité qu’elle adresse à sa petite fille, afin que celle-ci puisse comprendre un jour de quelle manière la guerre lui a volé ses années d’enfance. Waad al-Kateab filme autant les petits instants de bonheur volés à la réalité, son mariage, une fête entre amis, une matinée dans son jardin recouvert de neige que les conséquences dramatiques de ce conflit fratricide, en tout cas ceux qu’elle perçoit et endure comme n’importe quel autre résident d’Alep. A la mort en direct d’un enfant tué par une bombe, séquence parmi les plus insoutenables que j’ai pu voir, répond le sauvetage par les médecins d’un nouveau-né qui ne respirait plus, comme une preuve que même au coeur de l’enfer, la vie parvient malgré tout triompher. On a beau avoir été abreuvé d’images sur ce conflit durant de longues années, rarement on avait ressenti avec tant de force la véritable signification de la guerre du point de vue d’une population civile, qui tente tant bien que mal de continuer à vivre normalement alors que tout peut basculer d’un instant à l’autre. Ces habitants d’Alep ne sont ni des statistiques, ni des figures désincarnées entr’aperçues fugacement dans un reportage télévisé mais des êtres de chair et de sang, avec leurs vies, leurs rêves, leurs drames, dont la résilience et la dignité impressionnent, et c’est peu dire qu’on en ressort profondément bouleversé.