Après Patients, Grand Corps Malade et Mehdi Idir avaient envie de traiter de l’école, mais sans idée préconçue. Ils ont choisi le collège car, selon eux, en dehors de l’aspect scolaire, c’est là où tu te construis, tu vis tes premiers flirts, tu t’affirmes : "Mehdi et moi avons adoré cette période", confie Grand Corps Malade. "C’est une période charnière qui nous a beaucoup marqués. Mais nos souvenirs datent des années 90. Il a fallu se remettre dans le bain, aller sur place pour observer", ajoute Mehdi. "Pour autant, on savait que des scènes vécues en 1994 pouvaient sonner justes en 2019. Certains de nos proches bossent dans l’éducation. Et moi j’ai animé des Ateliers Slam dans des collèges. On avait remarqué qu’il y avait des constantes", relate GCM.
Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont démarré l'écriture du scénario avec 6 ou 7 scènes qu'ils tenaient à placer, des séquences inspirées de moments vécus ou observés, d’autres nourries d’anecdotes qu’on leur a racontées. "Puis on s’est demandé ce qu’on pourrait apporter par rapport aux films déjà réalisés sur ce thème. Pendant notre observation, on a constaté qu’un conseiller principal d’éducation (CPE) est à la croisée des chemins. Entrer dans l’histoire par son biais permettait de connecter les histoires entre elles. Un CPE traite 10 problèmes différents par heure. Il est en contact avec les parents, les élèves, le personnel administratif, les professeurs", affirme Mehdi. "On a su assez vite que nos personnages principaux seraient Samia, une CPE et Yanis, l’élève qu’elle prend sous son aile. Leur histoire est devenue le fil rouge du scénario", ajoute GCM.
Pour que les personnages soient crédibles, Grand Corps Malade et Mehdi Idir se sont appuyés sur des personnes existantes. Celui de l’élève qui tisse des mensonges toujours plus énormes pour expliquer ses retards s’inspire d’une légende de Saint-Denis. Un certain Farid, capable de raconter qu’il a volé un hélicoptère. Celui de Samia s’est construit à partir de ce que les cinéastes ont pu observer notamment chez les CPE. "On aime tellement Soufiane Guerrab humainement et artistiquement qu’on a failli lui confier le rôle. Mais on tenait à ce qu’il soit féminin, alors on lui a donné le second : celui de Messaoud. Ce prof de maths respecté des élèves, autoritaire et chambreur s’inspire de la personnalité d’un pote : un agrégé de physique né à Saint- Denis qui a toujours voulu y enseigner. À l’opposé de cet enseignant idéal, il y a le prof antipathique. Sur la première version du scénario, il était un peu caricatural. On l’a réécrit pour lui apporter de la nuance. Au casting Antoine Reinartz a amené une humanité supplémentaire", analyse GCM.
Pour chaque scène, Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont effectué un découpage technique dans le détail : "Où met-on la caméra ? Pourquoi ? Comment ? Quel mouvement ? Pour les personnages, on a réfléchi à leurs tenues, leurs coiffures. On voulait présenter nos envies aux chefs de poste de façon précise. Eux, en retour, nous ont fait des propositions. Je suis toujours aussi fasciné par leur professionnalisme. On a eu la chance de travailler avec la même équipe que pour Patients", déclare GCM.
"Patients n’a pas modifié notre envie de tourner avec des acteurs peu connus", confie Mehdi Idir. "On aurait pu être tenté de réaliser La Vie scolaire avec des stars. Mais ce n’est pas le cinéma qu’on veut faire. Sur Patients, malgré la difficulté à financer un film sans têtes d’affiche, nos producteurs Éric et Nicolas Altmayer, tout comme Jean-Rachid, nous ont suivis. Alors on est reparti sur le même schéma."
Pour Grand Corps Malade et Mehdi Idir, la priorité sur le tournage était d’abord les comédiens. Ils accordent beaucoup d’importance à leur jeu et répètent beaucoup avec eux. "Chaque fois qu’on refait une scène, c’est parce qu’on pense obtenir une émotion juste. La seconde priorité était d’intégrer les habitants de la cité où on a tourné, celle des Francs-Moisins à Saint-Denis. On a recruté plus de 200 personnes dont une centaine d’enfants. L’été, la plupart ne partent pas en vacances et ne font rien de leur journée. Sur 5 personnages principaux, 3 sont issus du quartier, comme tous les figurants. C’était valorisant pour les gosses d’avoir été choisis, de devenir comédien avec un salaire. On leur a fait sentir qu'on avait besoin d'eux. Ils se sentaient importants, respectés et avaient envie de bien faire", soulignent les réalisateurs.
Pour parvenir à tirer une performance réaliste des enfants dans La Vie scolaire, Grand Corps Malade, Mehdi Idir ont répété avec eux toutes les scènes durant 15 jours dans une classe. "On était curieux de voir comment allaient réagir ces 25 élèves dont aucun ne sait ce qu’est le cinéma. Il fallait qu’ils soient en confiance, connaissent leur texte et que les figurants jouent le jeu d’une classe qui fout le bordel. Le groupe a existé dès les répétitions. C'est la magie des gamins. Ils sont vifs, intelligents, comprennent vite, s'approprient le texte et amènent le rôle ailleurs. Je ne veux pas dénigrer le travail des pros, mais parfois on a le sentiment que certains acteurs comprennent ce que tu attends et te le servent. Les gamins eux, restent eux-mêmes", confient les cinéastes.