Savez-vous vraiment ce qu’est un film coup de poing ? Quelque soit votre réponse, Requiem for a Dream et sa morale tranchante sont là pour vous le rappeler. Véritable descente aux enfers liée à la drogue et autres dépendances, le film se fait immédiatement remarquer à sa sortie grâce à ses effets de montage et son thème composé par Clint Mansell. Focus sur le chef-d’œuvre dont on dit qu’il ne laisse personne indifférent…
Révélé au public en 2000 dans les salles obscures, Requiem for a Dream n’a guère pris de ride avec le temps. Considéré à la fois comme un film générationnel dépressif et un exercice de style visuel démentiel, le long-métrage de Darren Aronofsky émeut autant qu’il arrive à créer du malaise. Réputé pour être un film brut à l’ambiance réellement malsaine, Requiem for a Dream éreinte le spectateur et n’est pas à mettre sous tous les yeux. Les vingt dernières minutes sont même parfois insoutenables pour certains… Explications.
Le film est donc l’œuvre du réalisateur Darren Aronofsky, qui à l’époque vient tout juste de faire ses preuves avec le thriller indépendant Pi sorti deux ans plus tôt, faisant référence au nombre mathématique du même nom. Il est adapté du roman éponyme de l’américain Hubert Selby, paru en 1978. C’est d’ailleurs l’écrivain qui sera le co-scénariste du film aux côtés du réalisateur.
Ainsi, le long-métrage met en scène Harry Goldfarb, un junkie qui passe ses journées en compagnie de sa petite amie Marion et son copain Tyrone, junkies également. Ensemble, ils s’inventent un paradis artificiel. En quête d’une vie meilleure, le trio est entraîné dans une spirale infernale qui les enfonce toujours un peu plus dans l’angoisse et le désespoir.
Sara, la mère d’Harry, souffre quant à elle d’une autre forme d’addiction : la télévision. Fantasque et veuve depuis des années, elle vit seule au sud de Brooklyn et nourrit l’espoir de participer un jour à son émission préférée. Afin de satisfaire aux canons esthétiques de la télévision, elle décide de s’astreindre à un régime draconien, persuadée qu’un jour elle passera de l’autre côté de l’écran.
Là où le drame devient particulièrement saisissant, c’est tout d’abord par sa noirceur absolue. Nous sommes très loin du petit film cliché sur la drogue et ses méfaits. Requiem for a Dream n’est pas juste un long-métrage qui traite de la drogue et qui nous balance à la gueule le slogan facile qu’est « la drogue c’est mal ». Il va bien au-delà de ça et c’est de là qu’il puise toute sa force. Décomposé en trois axes (été-automne-hiver), le film montre la déchéance des personnages à tous les niveaux, que ce soit physique, psychologique, mais aussi vis-à-vis de leur société ou encore de leur entourage.
A travers les quatre protagonistes ravagés par leur destinée, le réalisateur élargit le problème de l’addiction sous toutes ses formes, que ce soit la cocaïne, les amphétamines, la télévision ou encore la malnutrition.
Le parti pris pendant les scènes de consommation de drogue est assez inventif, avec des zooms sur les seringues, les yeux défoncés ou la drogue en elle-même qui créent un impact fort sur le spectateur contrairement aux films où l’on va simplement filmer des personnages en pleine défonce.
Par ces procédés, Darren Aronofsky réalise non seulement un véritable manifeste sur la dépendance mais procure une vraie réflexion sur cette dernière et sa provenance originelle.
Du côté des comédiens, nous avons affaire à un trio endiablé.
En commençant par la merveilleuse Ellen Burstyn qui joue le rôle de Sara Goldfarb, une habituée des films cultes qui avait déjà remporté un Oscar en 1974 pour son rôle dans Alice n’est plus ici, de Martin Scorsese. L’actrice joue brillamment la grand-mère seule et dépendante de sa télé, mais elle joue encore mieux sa descente aux enfers.
On se plaît énormément à la voir se métamorphoser minute après minute pour devenir une femme complètement hystérique complètement déboussolée. Elle remportera l’Oscar de la meilleure actrice l’année de la sortie du film d’après pour son interprétation. Harry et Marion, respectivement incarnés par Jared Leto et Jennifer Connelly, icônes des années 90, forment un couple hors-du-commun. Parfaitement complémentaires et aussi névrosés l’un que l’autre, on ne lasse pas de voir l’un sombrer tandis que l’autre nous transcende par son regard à chacune de ses apparitions.
Ce qui fait également tout le caractère du film, c’est sa mise en scène rythmée et astucieuse qui le singularise tant, où le cinéaste s’inspire de l’univers du clip pour agencer une spirale tragique. Split screen, images accélérées surnaturelles, bruitages omniprésents, gros plan clignotants, tous les artifices sont de sortie pour prendre aux tripes le spectateur pendant près de deux heures.
De même, le rythme, soutenu presque tout le long du film, crée cette situation d’angoisse que l’on ressent en continu pour aboutir à une scène finale de quatre minutes d’anthologie parmi les plus célèbre et tragique du septième art.
Je finis en évoquant une bande-originale mythique. La bande-son du compositeur Clint Mansell, présente tout le film, contribue grandement à l’aspect dramatique en amplifiant les effets que nous procurent les images. Cette musique est aujourd’hui passée dans la culture populaire alors que beaucoup ne savent pas d’où elle provient. Tellement emblématique qu’elle a été reprise des centaines de fois dans des émissions de télé, des publicités ou encore des bandes-annonces.
Somme toute, voilà le constat que nous pouvons faire d’un monument qui ne laisse personne impassible, que ce soit en bien ou en mal. Requiem for a Dream, c’est cent minutes pendant lesquelles nous observons des personnages vaincus partir et s’abîmer loin de nous en retenant notre respiration. C’est surtout le genre de films vous confrontant à des images qui vous prouvent que oui, quelque soit votre âge, vous pouvez encore vous sentir comme un enfant traumatisé de trois ans devant son téléviseur. On ne le répètera jamais assez : âmes sensibles s’abstenir, il n’est pas à mettre sous tous les yeux…