Immergé dans le décor et l’action, on se dit comme ce pauvre Apollinaire en 1915 "Ah Dieu ! Que la guerre est jolie", ébahi devant la prouesse technique de ce film. Prouesse qui ne devrait quand même pas devenir une référence historique sur la première guerre mondiale, car on ne voit la guerre que d’un point de vue très étroit. On suit en effet deux garçons ordinaires, qui sont missionnés pour traverser un "no man’s land" et transmettre un ordre d’arrêt d’offensive. Deux garçons vraiment ordinaires, joués d’ailleurs par des acteurs vraiment ordinaires. C’était le but de l’auteur, apparemment, dont l’intention n’était pas de délivrer un message particulier sur la guerre, sur les hommes qui la décident, ni mettre en scène des physiques canons. Il a voulu être au plus près de ces petits personnages, pour montrer la guerre de leurs points de vue ––ou plutôt par leurs ressentis. D’ailleurs, il ne les lâche pas d’une semelle, au moyen de longs et lents plans-séquence, augmentant ainsi réalisme et proximité, son vrai but. Evidemment, l’auteur (Sam Mendes) fait partie des bons et des oscarisés depuis "American Beauty" (1999) ––ainsi que des bankables (exemple le James Bond "Skyfall") : il fallait donc s’attendre à une démonstration technique réussie pour suivre ces deux garçons. N’empêche que le film a les défauts de ses qualités (c’est quand même bizarre) : d’abord, l’histoire est tellement simple qu’on peut finir par s’ennuyer ; ensuite il y a quantité d’invraisemblances ou d’incohérences qui peuvent énerver (on ne les citera pas) ; enfin, il y a des clichés qui sont regrettables (par exemple, l’allemand de cette guerre-là n’était pas celui, détestable, de la guerre suivante). Mais tout cela n’est pas trop grave, vu le but recherché et atteint ––on peut regarder ailleurs ! En revanche, ce qui est un peu grave c’est l’absence d’émotion ––qui ne s’explique pas bien (sauf si elle est voulue) ––excès de technicité, de beauté, de défauts ? manque de message, de complexité de l’histoire, de charisme des personnages / acteurs ? La musique mérite un oscar. A.G.