Tandis que Danny Boyle, réalisateur à la filmographie hybride, est proposé pour mettre en scène le tant attendu prochain "James Bond", ce britannique de pure souche s'attaque à un sujet tabou pour l'une des comédies majeures de cet l'été 2019: les Beatles, l'ultime symbole du quatrième art britannique et un groupe au succès interplanétaire à ranger aux côtés des monuments tels que Big Ben et le Union Jack. "Hey Jude", "All you need is love", "Let it be", "A day in the life", "While my guitar gently leeps" ou encore le dénommé "Yesterday", autant de tubes inoubliables à la pelle constituent un matériau intéressant pour un film sur l'idée du progrès artistique et de la mémoire. Jack Malik (Himesh Patel), musicien se considérant comme un "loser" en puissance, vit dans la lueur d'espoir de pouvoir vivre de sa passion et d'être apprécié par un large public, outre par sa compagne Ellie (Lily James), la seule à le soutenir dans son projet. Un jour, suite à un choc survenu après avoir été renversé par un bus au cours d'une panne d'électricité, le jeune prodige à en devenir se réveille dans un monde dans lequel le nom des Beatles n'évoque rien d'autre... qu'une espèce de scarabée ! D'abord pétrifié, Jack y voit par la suite l'occasion de saisir sa chance en s'appropriant les textes de Paul McCarney et les musiques de John Lennon. Surprise, il se fait remarquer par Ed Sheeran "himself" et par le biais de celui-ci, connait un succès immédiat.
La vérité finira-t-elle par éclater au grand jour ? Le patrimoine musical serait-il surchargé au point d'oublier les influences majeurs du siècle dernier ? Danny Boyle nous livre un film avec beaucoup de potentiel dans sa forme... Finalement à demi-teinte puisqu'il n'est hélas qu'un feel good movie semi-dramatique des plus classiques dans le fond. Dans un premier temps, on ne peut pas nier que le film est doté d'une très jolie mise en scène: nous suivons avec plaisir les péripéties (souvent) inattendues de Jack en plein coeur du Suffolk et les mises en abîmes sont judicieusement amenées.
Par exemple, la coupure d'électricité du début de l'intrigue pourrait symboliser une société dans laquelle la culture devient beaucoup trop large pour que le monde reste "au courant" de toutes les choses existantes.
"Yesterday" nous propose de nous interroger sur l'avenir de la culture de tout pays alors que celle-ci s'amplifie d'année en année: en effet, à force de devenir de plus en plus large, finirais-elle par nuire à la reconnaissance patrimoniale des prototypes artistiques ? L'usage des Beatles, les plus grands vendeurs de disque de l'histoire britannique, nous laisse définitivement croire à la possibilité d'oublier les grands symboles culturels, à cause de l'arrivée de nouvelles générations naviguant sur de nouveaux horizons. Outre ce questionnement, le film annonçait un aspect psychologique très intéressant de la part de Jack, le "moins-que-rien" pas charismatique qui parvient à devenir quelqu'un en l'espace de un mois, dont la peur est basée sur le dévoilement de la vérité sur ses compositions musicales. La terreur du personnage est très explicitement représentée:
Nous avons droit à une traditionnelle séquence de cauchemar où notre héros se retrouve confronté à l'événement qui pourrait nuire à son succès, et différentes hallucinations qui ne sont pas sans rappeler "Trainspotting" de Mr Boyle.
Malheureusement, la facette psychologique du personnage est gâchée par l'omniprésence de son histoire sentimentale avec Ellie, occupant une place plutôt encombrante dans le récit pour finalement ne pas avoir d'intérêt absolu dans le récit.
Hormis les nombreuses séquences musicales, le film est principalement constitué de séquences romantiques mettant en scène les deux jeunes gens en quête d'amour absolu... Pour au final aboutir à un grandiloquent dilemme du type: "faut-il suivre la voie vers le succès ou la voie vers l'amour fou?" (l'éternelle quête du bonheur, et blablabla).
Ce qui aurait pu être l'essence du message que Boyle souhaite transmettre, ne fait aucun effet sur le spectateur tant il est plombé par cette énième histoire d'amour conditionnelle mais peu utile. Par conséquent, les personnages subissent un développement peu approfondi à défaut d'être surprenant. De plus, à côté de cela, certains éléments scénaristiques arrivent comme un cheveu sur la soupe, notamment l'intérêt que Jack porte pour les Beatles avant l'accident, ou encore sa relation avec Ed Sheeran (comment ce dernier a-t'il trouvé son numéro de téléphone ?...). Aussi, il est intéressant de noter qu'il faut attendre le générique de fin pour enfin entendre un véritable morceau du groupe ; cela n'est pas très cohérent par rapport aux motivations du personnage face à l'indifférence de son entourage. À propos de Danny Boyle: on a parfois du mal à cerner le style habituel du réalisateur. Effectivement, en l'occurrence, le réalisateur du captivant "Slumdog Millionaire" et du délire psychédélique "Trainspotting" semble totalement avoir rangé au placard son tablier de coutume pour ouvrir sur quelque chose de totalement inédit dans son univers filmique. Pas d'hallucinogène, peu de surnaturel, en bref il parvient à se renouveller et c'est quelque chose de positif, même si les adorateurs des films précédemment cités souffriront un peu de voir que leur style a complètement disparu. Autrement, les petites touches d'humour qui ponctuent le drame narré par la trame principale parviennent à faire sourire, bien qu'elles soient modérément originales. Pour conclure, "Yesterday", que je nommerais autrement "Le monde de demain", est un hommage agréable à l'univers culturel avec lequel Danny Boyle (et tant d'autres) a grandi, et ce, malgré nombre de déceptions dans sa manière de traiter l'aspect psychologique de la figure masculine principale. Il m'a été difficile de regarder le film sans penser aux films "Jean-Philippe" (2003) et "Incognito" (2009), comédies françaises dans lesquelles nous retrouvons un grand nombre de thèmes abordés par Boyle dans son film. Réécriture ?