Si ce film de 2h06 (Un format incroyablement long pour un long-métrage de type épouvante/horreur) dénote quelques qualités, notamment dans certains plans que j'ai trouvé réussis, il trouve cependant ses limites dans un scénario à mon sens mal exploité, voire brouillon et inachevé. Et c'est la première grosse critique que j'ai à faire au film : Hérédité, qu'est-ce que ça veut bien raconter ?
Reprenons depuis le début. Ellen, la grand-mère, décède. Lors de son enterrement, nous apprenons à nous familiariser avec les personnages qui seront les protagonistes de ce huis-clos : Annie Graham, interprétée par Toni Collette, la mère de famille, et son époux Steven (Gabriel Byrne), lesquels ont deux enfants : Peter (Alex Wolff) et la jeune Charly, âgée de tout juste treize ans et interprétée par Milly Shapiro. Si l'ensemble de la famille semble mentalement équilibrée au premier abord, le doute plane assez rapidement sur la santé psychique de Charly, qui semble à la fois avoir des comportements sociaux inadaptés et une fascination spécifique pour la confection de petites poupées en objets recyclés.
Tout le monde semble ne pas ressentir les effets du deuil, hormis Charly qui était visiblement la plus proche de grand-maman Ellen, et Annie qui se rend plusieurs fois dans une réunion de soutien sur le thème de la perte de l'être cher pour cracher sur le tempérament visiblement fêlé de la défunte. Nous apprenons donc au passage qu'en plus de la maladie mentale d'Ellen, son mari ainsi que leur fils sont tous deux morts respectivement de la maniaco-dépression et de la schizophrénie. Un bon bagage psychiatrique en somme.
Toute cette partie va représenter un bon quart du film (Je le rappelle, il est trèèèès long pour un film d'horreur), nous informant au passage sans qu'on en ait vraiment quelque chose à faire au moyen d'une conversation téléphonique que la tombe d'Ellen a été vandalisée sans plus d'informations. Après une bonne demi-heure donc, le premier élément "perturbateur" arrive enfin : je vous la fais courte, Peter se rend en voiture à une fête organisée par les élèves de son lycée, il y emmène sa sœur à la demande intransigeante de sa mère, et le drame se produit : alors que sur le chemin du retour, Charly souffre des effets d'une allergie aux noisettes qui l'empêche de respirer et cherche l'air par la vitre de la voiture, Peter fait une embardée sur le côté de la route qui conduit la tête de la malheureuse dans un poteau électrique. Peter rentre chez lui comme si de rien n'était, avec une soeurette qui s'étend désormais du bout des pieds au ras du cou, et il va se coucher, normal quoi.
Une bonne grosse demi-heure va ensuite séparer l'enterrement de la fillette des premiers "vrais" éléments horrifiques du film. Nous rencontrons pendant ce laps de temps Joan, une femme qui fréquente les groupes de soutien d'Annie et avec laquelle elle va se lier d'amitié
. Au terme d'une heure de film, voilà seulement que le réalisateur décide d'introduire dans le récit le spiritisme et les sciences occultes au moyen de ce personnage secondaire.
C'est cet élément qui va ensuite servir à Annie de justification à tous les maux qui vont survenir dans la vie de famille. Le bât blesse un peu : pour une scène de
communication avec l'esprit de Charly
qui n'aura duré qu'une dizaine de minutes seulement, le réalisateur voudrait nous faire gober qu'une scène aussi insignifiante en terme de tension et presque banalisée par la mise en scène aurait provoqué l'invocation d'un esprit démoniaque dont les nuisances malsaines visent
le fils de
la famille.
Une scène tout aussi hors de propos va également tenter de nous expliquer maladroitement que grand-maman Ellen avait elle-aussi pactisé avec ledit démon, Paimon, et que c'est cet héritage qu'elle a légué à sa famille, tout ça au moyen de fouilles d'archives dans des vieux bouquins consacrés au spiritisme dont la moitié est écrit dans une langue étrangère et les autres regorgent de photos glauques montrant Ellen pratiquant le spiritisme avec Joan (Ne cherchez pas, je n'ai pas compris qui elle était réellement ni pourquoi ce choix d'avoir recyclé son personnage de cette façon). En plus, quel genre de tordu irait joindre à un album de famille des photos de pentagrammes entourés de cierges honnêtement ?
Autre élément qui me laisse perplexe et qui est pour moi symptomatique de l'échec du réalisateur à vouloir exprimer ce qu'il cherche à montrer : le symbole disséminé tout au long du film (Sur le médaillon de la grand-mère, le poteau électrique, les murs de la maison, etc), bien que jouant visiblement un rôle d'indice pour que nous autres spectateurs parvenions à saisir le message du film, ne fait pas réellement sens. Parfois dissimulé au point de ne pas frapper l'attention du spectateur (Je n'avais pas remarqué sa présence sur le poteau électrique), il ne trouve ensuite aucune justification, le livre le représentant sur sa couverture étant rédigé en une langue étrangère que même l'héroïne n'est pas capable de déchiffrer.
C'est quand-même bien dommage, parce qu'un élément apparemment aussi capital aurait mérité un approfondissement, une explication, juste pour rendre tangibles les échanges des personnages qui vont suivre à ce propos.
La fin du film, soit les dernières quarante-cinq minutes environ, est un enchevêtrement de scènes d'une longueur monotone et de moments grand-guignolesques de pseudo-horreur (
La découverte du cadavre sans tête d'on-ne-sait-qui dans le grenier, la combustion spontanée de Steven et la mère se tranchant la tête suspendue à une poutre de la charpente du grenier...)
pour aboutir à l'apothéose la plus WTF qui soit :
une dizaine de bonshommes nus dans la cabane du jardin révérant un Peter divinisé en Paimon, et fin.
Pourquoi vous avoir volontairement spoilé le film ? Deux raisons : la première, vous montrer à quel point Hérédité traîne en longueur. Ces deux heures se ressentent comme extrêmement longues, d'autant qu'une bonne moitié du film ne semble constituer qu'une introduction à ce qui devrait être une immersion progressive dans l'horreur. Les éléments perturbateurs se font attendre, et alors que la première scène vraiment déroutante (
Celle de la mort de Charly)
semble initier la montée en horreur, la tension retombe comme un soufflé pendant une bonne demi-heure encore.
La deuxième, c'est pour que vous vous rendiez compte à quel point le scénario ne fait pas vraiment sens. Et encore, la façon dont j'ai présenté les choses, en passant en revue le passé clinique de la famille Graham, peut vous mettre la puce à l'oreille ; dites-vous que si je suis parvenue à - à peu près - saisir de quoi il était question dans ce film, c'est uniquement grâce au titre qui permet de faire le lien. Ma théorie est la suivante : je pense qu'Hérédité parle de la descente progressive d'une famille dans la folie. Ellen,
loin de laisser à ses enfants un héritage fait de spiritisme et de pactes avec le démon, lègue à ses enfants un patrimoine fait de troubles psychiques (L'hystérie et la schizophrénie en ce qui concerne Peter et Annie, et je pencherais sur un syndrome d'Asperger pour la petite Charly).
Néanmoins, je considère qu'un film ne devrait pas être fourni avec une notice pour parvenir à être compris. Nous avons déjà pu parler de films purement allégoriques, pour lesquels il est nécessaire de creuser un peu pour trouver la clé du récit (Je pense à Mother! de Daren Aronofsky ou à Enemy de Denis Villeneuve), et force est de constater que tant dans la mise en scène que le scénario, rien n'y était laissé au hasard. Y compris le travail du son, guidant et accompagnant la tension du spectateur. Ici, le film transpire de bonnes intentions et de bonnes idées, certains plans sont remarquables (J'étais assez convaincue par le plan-séquence en gros plan sur le visage de Peter juste après l'accident ayant causé la mort de sa sœur), mais l'ensemble reflète une grande inexpérience et un scénario balbutiant qui peine à exprimer ce qu'il a à livrer.
Rien que dans le rythme, loin de glisser sensiblement vers l'horreur, le film se contente de faire des vas et viens entre des scènes d'une banalité sans nom et d'autres dont le gore choquerait presque tant il tranche avec le registre finalement majoritairement dramatique dans lequel s'insère l'histoire. La musique d'ailleurs, souvent hors de propos, tend à banaliser les scènes tragiques de celles qui mériteraient justement d'être renforcées en terme de stress.
Dernier point concernant le jeu des acteurs : peut-être parce que j'ai vu le film en VF, celui-ci ne m'a pas réellement convaincue. Entre un Gabriel Byrne effacé et une Toni Colette (Qu'on a pu voir dans l'excellent Little Miss Sunshine) complètement hystérique, j'avoue que certaines scènes jugées comme "coup de poing" (La scène de repas notamment,
où Annie déballe à Peter tout ce qu'elle pense de lui et de son implication dans la mort de Charly
) m'ont parues grossièrement jouées (My bad cependant, car j'ai relativisé ma première impression après avoir visionné quelques extraits en VO pour m'assurer que la VF n'avait juste pas été charcutée). Il n'y a peut-être encore que Milly Shapiro qui m'ait réellement parue bien maîtriser son rôle de petite fille atypique renfermée sur elle-même.
En bref, je ne saisis pas l'engouement autour d'Hereditary. Pour reprendre les arguments cités au dessus, un manque de tension tout au long du film ne m'a pas vraiment permis d'être "dedans", cela couplé à un grands nombres de maladresses et de faiblesses du scénario. Pas vraiment une déception car ce n'est pas un film que j'attendais, mais un réel ennui de m'être retrouvée face à ce qui ne pourrait ni être qualifié de film d'horreur, ni de film à énigme cachée à la Denis Villeneuve. J'ai plutôt l'impression d'avoir fait un blackout pendant deux heures interminables.
Je pense que la principale qualité d'un film poussant le spectateur à la réflexion, est de parvenir à semer le doute dans son esprit, là où Hérédité échoue à mon sens totalement. Car Hérédité ne semble pas s'adresser directement à la curiosité du spectateur, mais ne fait qu'exposer les convictions délirantes des personnages sans à aucun moment laisser planer le doute sur l'existence d'une dimension surnaturelle dans le récit. Le spiritisme, on n'y croit pas une seconde, là où un film tel qu'Annihilation ou Mother! parvient à maintenir le spectateur dans une certaine incertitude, partagée entre la crédulité face aux événements surnaturels et la recherche proactive d'indices permettant de décrypter le sens caché de l'intrigue.