C'est l'une des leurs amies, Sixtine Léon-Dufour, qui a donné enve à Thierry Demaizière et Alban Teurlai de réaliser un documentaire sur le rocher de la grotte de Lourdes. Le premier se rappelle : "Elle et son mari revenaient de Lourdes comme hospitaliers et hésitaient à nous le dire par peur de nos a priori. Sixtine a fini par nous raconter ce qu’elle avait vécu là-bas : en l’écoutant, Alban et moi avons tout de suite pensé qu’il y avait là matière à un documentaire pour le cinéma". Le second précise : "À notre grande stupéfaction, aucun documentaire au cinéma n’avait été réalisé sur Lourdes. Il y a eu des fictions, de nombreux reportages télévisés sur les rues marchandes et les marchands du Temple mais rien sur les pèlerins, rien sur leur démarches : pourquoi viennent-ils ? Qu’espèrent-ils ? Que représente la Vierge pour eux ?"
Stéphane Célérier de Mars Films, avec qui Thierry Demaizière et Alban Teurlai avaient coproduit Rocco, leur a aussitôt donné le feu vert, avec pour consigne de ne pas se moquer des personnes filmées, ce qui n'était pas du tout leur intention.
Lourdes suit une dizaine de personnages d'origines et de conditions différentes. Trouver autant de témoins acceptant de se confier devant la caméra a été très dificile. Alban Teurlai se rappelle : "Cela a nécessité un énorme travail : huit mois et trois enquêtrices qui ont appelé tous les diocèses. Nous voulions trouver des destins qui ont une valeur universelle, aborder tous les milieux et suivre des pèlerinages très divers : travestis du bois de Boulogne, militaires, gitans etc… Et puis il y a eu des hasards incroyables, comme Jean D’Artigues, cet ancien chef d’entreprise atteint de la maladie de Charcot. C’est le témoin que nous cherchions, un homme transcendé par la maladie qui aborde sereinement l’idée de la mort."
Le tournage de Lourdes a duré presque un an. Les premiers jours, Thierry Demaizière et Alban Teurlai étaient "effarés" selon leur propre terme. Il expliquent pour quelle raison : "Lourdes, c’est une organisation militaire, avec des milliers de personnes et des horaires millimétrés – première messe à cinq heures, visite de la grotte à treize, nouvelle messe à quatorze, puis quartier libre pour acheter la gourde ; ensuite, rendez-vous à la fontaine… Nous étions face à un flot continu, une gigantesque machine à laver. On a tourné des heures et des heures de messes et de processions. À l’arrivée, nous avions deux cent cinquante heures de rushes."
Pour Thierry Demaizière et Alban Teurlai, respectivement agnostique et athé, Lourdes n'est pas un film sur la religion. Ils confient : "Ce qui se passe là-bas dépasse une quelconque démarche de foi. Pour reprendre une phrase de Jean-Claude Guillebaud dans un article publié dans « La Vie », « On peut (y) mettre de côté ses croyances, qui relèvent de l’ordre privé, et déceler en ce lieu un « quelque chose » de bouleversant ». C’est ce « quelque chose » qui nous intriguait. On avait l’intuition que Lourdes devait être un creuset d’humanité et qu’il devait s’y passer « quelque chose » d’un peu dingue sur la condition humaine ; « quelque chose » qui dépassait même la foi et qui interrogeait notre rapport à la souffrance et à la mort."