Pendant longtemps, Frédéric Carpentier a consacré beaucoup de temps à encadrer et animer des ateliers de pratiques artistiques dans des quartiers difficiles. Une partie totalement méconnue et mal comprise de notre société, selon le réalisateur, dont les médias dressent un portrait caricatural et manichéen. C'est de cette expérience qu'est né Jeunesse sauvage. Il se rappelle :
"J’ai découvert des personnes brillantes qui avaient le tort de ne pas êtres nées au bon endroit et qui ont pris, très jeunes, les chemins de la délinquance. Venu pour leur proposer quelque chose de différent, je me suis retrouvé à partager leur vie et observer de l’intérieur leur relation au monde. De ces moments privilégiés sont nés la matière de Jeunesse Sauvage et le désir de montrer un univers méconnu et pourtant tellement proche de nous : le monde des voleurs."
Frédéric Carpentier a effectué un casting sauvage pour trouver des jeunes ayant une vie difficile. Avec François Guignard, le directeur de casting, ils ont fait un partenariat avec le Ministère de la Justice et la Police Judiciaire Jeunesse qui leur a permis d’aller en Centres éducatifs fermés pour y trouver de potentiels acteurs. Ils ont aussi parcouru des quartiers sensibles du Sud de la France et des campements de gitans. Le cinéaste se souvient :
"Le film doit beaucoup aux non-acteurs, qui lui apportent une vérité. On y croise un charpentier, un ancien prédicateur, un rocker, de vrais SDF, toute une communauté de gens qui sont mêlés à des acteurs professionnels. Comme Léone François qui est une jeune actrice connue en Belgique, qui s’est enthousiasmée pour le projet. C’est aussi le cas de Sandor Funtek, une étoile montante du cinéma international qui a accepté le rôle d'Andy et de venir dans le Sud de la France pour une seule journée !"
Jeunesse sauvage est emmené par Pablo Cobo dans la peau de ce chef de bande. Au départ, Frédéric Carpentier le trouvait trop mince et pas assez expérimenté. Le jeune comédien avait toutefois un gros potentiel selon le cinéaste, qui lui a alors transmis plusieurs techniques de jeu. Cobo s'est aussi adonné à un vaste programme de musculation intensif :
"Nous avions même mis au point un langage pour qu’il ait des informations de jeu que lui seul puisse comprendre, pour ne pas gêner les autres acteurs. C’est un travail très rare dans lequel il s’est beaucoup investi. Il était débarrassé de la nécessité qu'ont habituellement les acteurs de devoir construire le personnage pendant le tournage. Pablo n'avait plus à jouer. Nous avions déjà fait exister Raphaël", confie Carpentier.
Jeunesse sauvage est le premier long métrage de fiction de Frédéric Carpentier. Des thématiques qui lui sont chères s'y trouvent ainsi, comme la relation père/fils, l’absence de la mère, la violence et l'émotion poussées à leur paroxysme. "Mais je crois qu’il est surtout personnel dans ce mélange entre une réalité crue et une vision plus onirique. Je suis aussi attaché à ce que les acteurs qui incarnent mes personnages aillent le plus loin possible dans l’expression de leur humanité. En ce sens, je me suis beaucoup inspiré du Caravage qui savait trouver dans ses tableaux, cette dimension multiple et forte chez les êtres", précise-t-il.
Dans la peau de Kevin, un délinquant aguerri, nous retrouvons Darren Muselet, la révélation de Mon frère, où il incarnait déjà un jeune voyou violent. On a aussi pu le voir dans Hors Normes du duo Toledano et Nakache, via un petit rôle, où il jouait aux côtés de Vincent Cassel et Reda Kateb.
Jeunesse sauvage se déroule et a été tourné à Sète dans le sud de la France, près de Montpellier. Avant le tournage, Frédéric Carpentier avait sillonné tout le littoral méditerranéen à la recherche d’une ville possédant un vaste port de commerce ainsi qu'un cimetière marin qui regarde la mer. Il se rappelle :
"J’ai trouvé mon bonheur à Sète. C'est une ville incroyable, totalement cinématographique ! C’est certainement lié à sa situation très particulière, voire unique en France. Elle est à la fois dans la verticalité (bâtie autour d’une colline de roche) et horizontale avec son vaste étang et la mer Méditerranée. Elle est par ailleurs traversée par des canaux avec des ponts mobiles incroyables."
Jeunesse Sauvage est nourri d’un important travail d’enquête qui lui donne son ancrage dans cette réalité que vivent certains jeunes. Frédéric Carpentier tenait à être le plus réaliste possible : "Garder la même distance qu’un documentaire, tout en insufflant l’esprit de la fiction et ses ressorts dramatiques. Je voulais atteindre un équilibre entre ce réalisme et une construction narrative que je souhaitais proche de la tragédie grecque. Ce choix m'a permis d'éviter une forme de complaisance ou de voyeurisme de la violence. Je ne suis pas fasciné par la violence. Je suis fasciné par ces jeunes, à la fois capables de violences comme de comportement plus doux, plus mesurés. Ils incarnent les contradictions de notre époque."
Après des études de philosophie, Frédéric Carpentier travaille comme scénariste (pour Zonca, Téchiné, etc.). En parallèle, il anime des ateliers de réalisation en cités et quartiers difficiles et forme au jeu d’acteur face à la caméra. Il développe ses propres scenarii et se lance dans la réalisation. Les Vagues, une fiction longue, tournée en pellicule pour Arte, est le premier film dans l’univers du surf à être réalisé en Europe.
Après une audience record lors de sa diffusion, le film reçoit le Prix Marcel Jullian ainsi que Les Lauriers de l’Audiovisuel de la meilleure première œuvre. Son film court, À cheval dans une maison vide a obtenu le Palmier d’Or du Festival de Hyères. Son dernier court Villégiatures est actuellement présenté dans de nombreux festivals étrangers et diffusé par France Télévisions. Il est double Lauréat (cinéma et télévision) de la Fondation Beaumarchais.