Presque 8 ans après "Poetry", Lee Chang-Dong revient à Cannes avec "Burning", grand favori pour la Palme d'Or et qui repart bredouille, malgré un accueil plus que favorable.
Dans ce film de 2h38, on y suit Jongsu (Yoo Ah-in) , un livreur campagnard un peu gauche et quasi mutique qui retrouve par hasard sur Haemi, son ancienne voisine, qui va tomber amoureuse de lui (et réciproquement).
Mais tout va changer lorsqu'à un retour de voyage humanitaire, Heami revient avec Ben, un jeune homme fortuné et mystérieux...
Je n'en dirai pas plus, car Burning fait parti de ces films à infusion lente, où pendant une bonne heure on cherche vers quelle trajectoire le long-métrage très Hitchcockien va aller, mais où chaque détail compte à une compréhension globale de l'oeuvre.
Cequi marque dans un premier temps, est la mise en scène ciselée et minutieuse de Lee Chang-dong, "filmant le vide" selon les propres mots du réalisateur. Chaque plan (alliée à la musique fugace de Mowg) instille une ambiance vénéneuse et captivante, extrêmement mystérieuse tout en n'allant jamais dans la complaisance.
Le trio d'acteurs principal est excellent (mention spéciale à Steven Yeun, laissant son époque The Walking Dead derrière lui, renoue avec sa langue maternelle pour offrir une performance tout en subtilité qui montre toute l'étendue de son jeu), nous montrant trois personnages qui intériorisent souvent leurs pensées, et qui se mettent à tisser des rapports de force,qui vont changer la perception du monde autour d'eux (ainsi que celle du spectateur évidemment!
En moins de 3h, Lee Chang-dong parvient à raconter énormément de choses par la seule force des plans, avec une gestion du rythme vraiment étonnante, qui montre toute son étendue dans la 2e partie du film, installant un climat de paranoïa, avec cerise sur le gâteau, un vrai discours sur un pays en ébullition, où lutte des classes, opposition entre passé et modernisme, liberté et dictature, "petite faim et Grande Faim"...
Visuellement à tomber (n'allons plus jamais dire que le numérique c'est "moche"), utilisant également la lumière naturelle pour nous abreuver de séquences crépusculaires absolument somptueuses, Burning joue constamment avec le spectateur et utilise notre imaginaire pour conter son récit, entre thriller mental et critique sociale.
Entre ruptures de ton et passages lyriques puissants, Burning est un excellent film sinueux, unique en son genre, qui distille son ambiance au compte-gouttes, jusqu'à sa fin qui hante durablement même après la séance.
Puissant, abstrait, mystérieux et surprenant