Un monde plus grand est adapté du livre Mon initiation chez les Chamanes de Corine Sombrun, publié aux Éditions Albin Michel. Cette dernière a d'ailleurs été consultante scénario et conseillère technique sur les scènes de transes. Fabienne Berthaud se rappelle : "Il m’a fallu trouver le juste milieu entre une certaine liberté d’adaptation, qui me permettait de faire un film romanesque tout en respectant la vie de Corine Sombrun. Elle a été très présente pendant toute la fabrication du film : consultante sur le scénario, conseillère technique sur les scènes de transes, elle double Oyun la chamane pendant la cérémonie et elle est l’esprit Tseren dans la forêt. On ne la voit jamais mais elle est partout. Corine est "l’esprit" du film. Et je n’ai pas dérogé à ma manière de travailler en mélangeant fiction et réalisme documentaire. Cette histoire est universelle, chacun d’entre nous peut s’identifier. Elle interroge nos peurs ; ce que l’on ne comprend pas et ce que l’on ne maîtrise pas, entre visible et invisible, rationnel et irrationnel, entre science et chamanisme. Mais, avant tout, c’est une grande histoire d’amour."
Un monde plus grand a été tourné dans la steppe mongole, dans une région inaccessible où il n’y a ni électricité, ni eau courante, ni réseau internet. Fabienne Berthaud explique : "Nous vivions comme les Mongols, de façon très écologique dans un camp de yourtes organisé pour l’équipe et on se chauffait avec des poêles à bois. En venant tourner en Mongolie l’équipe devait en accepter les traditions, les croyances, les coutumes. La notion de temporalité est très différente de la nôtre, quand vous demandez à un mongol s’il reste encore beaucoup de chemin à faire il vous répond "Peut-être, ce n’est pas loin, ne t’inquiète pas on arrive toujours". Les mongols préfèrent ne rien dire que de promettre quelque chose qu’ils ne vont pas tenir."
Fabienne Berthaud se souvient d'un petit imprévu survenu quinze jours avant le début du tournage : "Les Tsaatans (éleveurs de rennes) devaient descendre des hauts plateaux pour nous rejoindre. Nous devions installer leur camp, le décor principal. Ils devaient venir avec une partie de leur famille et quelques rennes, les autres resteraient sur les hauts plateaux. Trois jours avant le début du tournage, ils n’étaient toujours pas là et nous n’avions aucun moyen de les joindre. Sans eux le film n’existait pas. Il fallait alors tout repenser et puis un matin, ils sont arrivés. La tribu toute entière est venue avec deux cents rennes et quarante nouveau-nés. C’était magnifique. Il faut savoir attendre le bon moment et tout se fait."
La seule véritable actrice mongole du film est Tserendarizav Dashnyam, qui interprète la chamane Oyun. Fabienne Berthaud lui ai fait passer des essais dans l’arrière salle d’un restaurant. "Elle était inquiète à l’idée de jouer une chamane, ce n’est pas anodin pour les mongols. C’est une responsabilité. Elle a dû demander la permission aux esprits avant d’accepter ma proposition et vérifier que j’abordais le sujet avec respect, que je n’allais pas raconter n’importe quoi. Naraa,l’interprète,n’est autre que la véritable interprète qui a accompagné Corine Sombrun, 18ans auparavant. Ce rôle était pour elle, c’était une évidence. Toujours présente sur le plateau, Naraatraduisait aussi les indications que je donnais aux autres personnages du film. Elle a joué son propre rôle. Une réalité dans une autre réalité", se rappelle la cinéaste.
Sur les traces de Corine Sombrun, Fabienne Berthaud a voulu partir au nord, à la frontière avec la Sibérie, pour rencontrer un peuple qui vit dans l’une des régions les plus reculées de Mongolie. "Corine a été initiée au chamanisme par les Tsaatans. C’est le peuple des rennes. Ils sont nomades. Leur particularité est de vivre dans des tipis. Donc l’année qui a précédé le tournage, je suis partie en repérage avec Corine, Naraa (qui joue l’interprète) et ma coscénariste. À ce moment-là de l’année, ils se trouvaient dans les montagnes, à deux jours de cheval du dernier village accessible en voiture. Un peu comme une ethnologue, j’ai partagé leur quotidien, leurs us et coutumes et j’ai pris beaucoup de photos. Sur chacun de mes films, la photographie est intrinsèquement liée au processus de création, mon approche se nourrit de cette matière documentaire. Cela me permet de choisir les personnages, de faire mes cadres, d’harmoniser les couleurs des costumes...", confie la réalisatrice.