L'écriture du scénario s’est étalée sur une longue période. Pendant plusieurs années, alors qu’ils travaillaient sur d’autres projets, Phil Hay et Matt Manfredi ont rassemblé des idées pour écrire un script inspiré par leur passion commune pour le film noir et leur intérêt pour la diversité des quartiers et des habitants de Los Angeles. Les deux hommes voulaient écrire un film romanesque axé sur un personnage, dans un style qui ne serait pas sans rappeler les polars classiques des années 1970 comme Serpico et French Connection. Tout en commençant à élaborer l’histoire et à concevoir les détails de l’intrigue, ils ont imaginé le personnage principal, un flic solitaire entouré de secrets professionnels et personnels. Tandis qu’ils peaufinaient l’histoire, Phil Hay et Matt Manfredi ont eu une idée inspirée par Karyn Kusama qui avait déjà accepté de réaliser le film : faire du personnage principal une femme blessée.
Tourner un film noir en plein soleil (ainsi que dans des intérieurs glauques et sordides) était, selon la réalisatrice Karyn Kusama, un atout sur plan cinématographique. Ce dispositif n’était pas sans rappeler d’autres grands polars situés à Los Angeles comme Le Privé de Robert Altman et Point Break de Kathryn Bigelow.
Nicole Kidman perçoit Erin Bell comme une femme blessée et terrifiée par ses propres choix et par ce que le sort lui a réservé. "Tout au long du film, elle suit sa route dans la douleur, mais c’est comme ça qu’elle trouvera son salut. Ses sentiments complexes de colère et de honte, son incapacité à exprimer ses émotions, sa carapace, ses freins… tout cela était très puissant. Il en va de même pour son incapacité à dire à sa fille ce qu’elle ressent pour elle, alors même qu’elle tente de lui offrir une vie meilleure. J’ai été touchée par sa souffrance", précise la comédienne.
Destroyer est signé Karyn Kusama. Son premier film, Girlfight (2000), qui voyait Michelle Rodriguez jouer une adolescente rebelle passionnée de boxe, avait remporté le Grand Prix du jury et le Prix de la mise en scène au Festival de Sundance. Depuis, la cinéaste a réalisé les longs métrages Æon Flux (2006), Jennifer's Body (2009) et The Invitation(2016), ainsi que plusieurs épisodes de séries télévisées comme Masters of Sex, Billionsou Halt and Catch Fire.
Pour incarner Erin Bell, Nicole Kidman a dû apprendre à tirer, à se servir d’armes à feu et à se comporter comme quelqu’un qui est à la fois prédateur et proie : "Elle voit le monde à travers les yeux d'un être qui est menacé en permanence", confie-t-elle. Nicole Kidman précise que cela a même influencé sa façon de marcher, de rentrer ou de sortir d’une pièce : "Erin sait tout de suite si elle doit protéger ou attaquer. C’était nouveau pour moi et je voulais que cela soit crédible et juste. Ça m’a pris du temps, mais j’ai fini par adopter une démarche différente, une attitude différente, et même une autre façon de réfléchir quand je jouais le personnage."
Destroyer a été entièrement tourné à Los Angeles et dans ses environs. Karyn Kusama a réalisé elle-même les storyboards des différentes scènes, qu'elle était prête à ajuster pour répondre aux changements qu’un tournage en extérieurs impliquait inévitablement. La principale exception s'appliquait à la scène du hold-up à la banque, qui devait être composée avec la plus grande attention "parce qu’on a utilisé des vraies armes à feu et des effets réels, si bien qu'on ne pouvait pas refaire la scène à l’infini. Vous avez une ou deux chances au mieux, avant d’être à court de temps ou de munitions", selon la cinéaste.
Pour ce rôle exigeant de femme brisée mais badass, Nicole Kidman s'est métamorphosée : visage terne, yeux cernés, peau abîmée et cheveux grisonnants, l'ex-femme de Tom Cruise est méconnaissable (comme l'avait été Charlize Theron dans Monster où elle incarnait une tueuse en série). Un look qui retranscrit la détresse psychologique de son personnage... Karyn Kusama et Nicole Kidman s’accordent sur le fait que cet aspect négligé permet de comprendre visuellement l’état psychologique d'Erin Bell : son visage reflète le passage du temps et les regrets : "sans oublier l’alcool. Elle a choisi d’abîmer son corps, on voit qu’elle a envie de se faire du mal", précise la comédienne. C’est le chef maquilleur Bill Corso, récompensé par un Oscar et nommé à trois reprises, qui lui a permis de révéler le personnage. Par le passé, il a exercé son talent magique de maquilleur dans des films comme Foxcatcher, Deadpool et sa suite, Star Wars le réveil de la force et Les Désastreuses aventures des orphelins de Baudelaire.
"Le maquillage devait être planifié et testé bien à l’avance pour s’assurer qu’il ait l’air naturel dans les deux temporalités", précise Karyn Kusama. "Dans les séquences de flashback, Bill Corso a donné à Erin un teint frais, de légères taches de rousseur, et une sorte d’éclat. Pour les scènes qui se déroulent dans le présent, il a accumulé les couches sur son visage pour lui donner un aspect irrégulier, et a utilisé des pigments pour les taches de soleil, des prothèses pour les poches sous les yeux, un nez brisé et des taches sur les dents. Bill Corso a créé les rides de son visage à l’aide de pointillés qui tirent la peau et tracent des rides de vieillesse. Nicole Kidman détestait rester assise dans le fauteuil de maquillage, mais Bill Corso a réussi à réduire la séance à quarante ou quarante-cinq minutes. C’était aussi long de retirer le maquillage que de l’appliquer."