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Jean-Marc P.
33 abonnés
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3,0
Publiée le 23 décembre 2018
De la naissance d'un artiste dans un New York en décrépitude, on retiendra que les conditions d'existence ont forgé une ambition et quelques rencontres. Les témoignages des témoins désormais bien installés accreditent l'idée que seul le talent ne suffit pas et que l'art contemporain est aussi affaire de bizness.
Boom for Real : The Late Teenage Years of Jean-Michel Basquiat réussit à redonner vie au New York fréquenté par l’artiste à la fin des années 70 : pour ce faire, il recourt à des images et séquences d’archives qu’il articule avec les témoignages d’amis ou de proches. Le documentaire fait de la ville une vaste zone de turbulences propice à l’expression artistique ; ce faisant, il refuse de lever l’aura mystérieuse de son personnage principal, aussi insaisissable que ses apparitions à l’écran sont rapides. Nous sortons du film sans avoir eu de prises sur l’homme, confrontés à une opacité que renforce son art mais qui finit par agacer. D’autant qu’il cède rapidement à la tentation de l’hagiographie, toutes les interviews convergeant vers la reconnaissance unanime d’un génie qui demeure pourtant théorique à l’image. Une œuvre originale mais assez austère et inaboutie.
Comme son sous-titre l'annonce, "Basquiat" nous fait revivre l'adolescence du jeune artiste né en 1960 qui, dès 1976, dans une métropole en plein chaos, commence à graffer sur les murs du "Lower East Side" sous le pseudonyme "SAMO" ("Same Old Shit"). L'adolescent en rupture de ban vit dans la rue, squatte chez des amis, vend des T-shirts ou des cartes postales de sa fabrication. La notoriété viendra plus tard, après la présentation de ses premières œuvres au "Times Square Show", une exposition organisée sur les murs lépreux d'un ancien bordel, et son passage à la télévision à l'émission de Glenn O'Brien qui le présente à Andy Warhol.
Sara Driver, qui était la compagne de Jim Jarmusch et fréquentait le jeune Basquiat dans ces temps-là, revient non sans nostalgie sur cette période. Son documentaire est d'un grand classicisme, sans guère de facture cinématographique, composé alternativement d'interviews de témoins de l'époque et d'images d'archives.
Paradoxalement, "Basquiat" est moins le portrait d'un artiste que celui d'une époque. Le jeune graffeur reste une silhouette dont on entend à peine la voix et dont on ne percera pas les secrets de son art sinon qu'il s'inscrit en rupture avec l'impasse dans lequel l'art abstrait s'était enfermé.
Avec une étonnante puissance, "Basquiat" nous raconte un New York pas si lointain au bord de la faillite financière et du chaos social. Les images sont frappantes qui montrent des rues désertes, des immeubles en ruines, quelques junkies hagards échangeant leurs seringues à ciel ouvert. Cet environnement là a été le creuset de nouvelles formes d'art, moins intellectuelles, plus spontanées. Sur les rêves brisés des Beatniks, le nihilisme punk naissait.