Les plus utilesLes plus récentesMembres avec le plus de critiquesMembres avec le plus d'abonnés
Filtrer par :
Toutes les notes
Scénario Catastrophe
30 abonnés
156 critiques
Suivre son activité
5,0
Publiée le 7 mars 2018
L'histoire commence dans le noir, avant que la lumière froide de l'hiver surgisse d'une dans un couloir de l'usine. C'est un film physique : course sur la neige, bagarre, glissements dans la boue. C'est un film chimique : mélange des liquides, fracas de pierres... Les matières ont un rôle majeur, elles se mêlent aux corps, elles se glissent dans l'environnement. La buée recouvre les fenêtres, le calcaire recouvre tout, comme la neige, il blanchit les vêtements, ronge les visages... Il y aurait mille choses à dire sur "Winter Brothers" tant ce film regorge de détails, d'idées, de précisions, de courts plan-séquences astucieux, et le montage est brillant. Si l'on croit suivre une narration, au début, on finit par s'en échapper et confondre imaginaire et réalités.
Exceptionnel ! Âpre, brutal, mystérieux, plastiquement superbe et très très ambitieux. En 20 ans de cinéphilie, je ne me souviens pas avoir vu beaucoup de choses similaires. C'est un peu comme si les peintres Caravage et Francis Bacon s'étaient associés pour faire un remake du "Cheval de Turin" de Bela Tarr... Le film est une immersion dans un univers qu'on ne voit jamais au cinéma : la grande industrie, la mine. Là les hommes sont réduits à de ridicules marionnettes crasseuses. Les neiges du nord donnent à chaque plan une colorimétrie inédite : un mélange boueux de bleu pâle et d'ocre rouge. En émergent les visages d'acteurs toujours justes. Ce dut être un tournage atroce : violence, froid, nudité, saleté, humidité, plans-séquences hyper-complexes à répéter, etc. La musique (est-ce de la musique d'ailleurs ?) accompagne cette austère épreuve. Le film n'en oublie pas pour autant son spectateur : les personnages sont bien construits, le récit avance d'une façon souvent logique, un certain suspens s'installe quant au devenir de ce jeune homme qui fabrique de l'alcool frelaté et se fait prendre alors que l'un de ses collègues est en train de mourir à l'hôpital. Le film nous réserve trois moments exceptionnels : un interrogatoire très bien écrit, une scène de bagarre extrême entre les deux frères et le récit d'une singulière histoire de chien fidèle dont personne ne parvient à saisir le sens. Ce sens qui échappe avait déjà commencé à envahir le film en quelques séquences incohérentes mais éminemment poétiques. Il domine les derniers moments de cette œuvre majeure qui n'a à peu près aucun équivalent dans le cinéma contemporain (je veux dire depuis 1895...;-) ). Espérons que le film trouve son public (qui est sans doute très restreint, mais en sortira changé).