La Chute de l'Empire américain est le troisième volet d’un cycle, après Le Déclin de l'empire américain (1986) et Les Invasions barbares (2003). Denys Arcand précise : "On ne sait jamais comment naissent les projets. Au départ, je n’avais aucune intention d’entreprendre, encore moins de poursuivre une trilogie. À l’origine, La Chute de l'Empire américain s’appelait, d’ailleurs, Le Triomphe de l'argent – titre qui m’est apparu, en définitive, trop clair et trop réducteur. Au montage, j’ai eu l’idée de le relier à deux de mes films précédents, tant les points communs me paraissaient évidents."
Avec La Chute de l'Empire américain, Denys Arcand retrouve Rémy Girard, qui jouait un professeur d'université dans Le Déclin de l'empire américain et Les Invasions barbares. Dans ce nouveau film, le comédien interprète un ex-taulard perspicace. Le réalisateur explique comment ce personnage est né :
"La femme d’un ami suivait des cours de marketing. Dans sa classe, au milieu de jeunes qui travaillaient tous sur ordinateur, elle a remarqué un homme aux cheveux poivre et sel qui, lui, notait tout par écrit. « Je connais ce type » s’est-elle dit. C’était, en fait, le chef d’une bande de motards criminels, célèbres au Canada, qui avait écopé de dix ans de prison. Il avait écrit au ministre de la Justice pour lui demander l’autorisation de se rendre à l’Ecole des Hautes études commerciales, ce qui lui avait été accordé. Il quittait, donc, chaque matin sa cellule et la regagnait en fin d’après-midi, après la classe. Ça m’a bigrement intéressé. Du coup, j’ai rencontré deux autres motards, des « repentis » qui prétendaient avoir changé de vie, mais que je soupçonnais fort d’avoir bien caché l’argent de leurs mauvais coups. Le personnage de Sylvain, donneur d’excellents conseils à mon Pierre-Paul, est issu de ces rencontres…"
La Chute de l'Empire américain s’ouvre sur ce dialogue : "Si t’es si intelligent, pourquoi n’es-tu pas président d’une banque ? – C’est parce que je suis trop intelligent. L’intelligence est un handicap…" Cet échange a été inspiré à Denys Arcand par un dîner auquel il a assisté en France. Le metteur en scène confie :
"Je ne citerai pas de noms, mais vous adoreriez que je le fasse ! Un très grand financier y assistait et on ne parlait que de la faillite retentissante d’un de ses confrères. « C’était tout de même un type intelligent », a dit l’un des convives. Alors, le grand financier a murmuré et sa voix n’était qu’un chuchotement : « Oh, vous savez, l’intelligence est souvent un handicap… » Cette phrase n’a cessé de me hanter… Et quand je regarde le spectacle désolant des têtes parlantes qui sévissent à la télé, je me dis qu’en plus, il aurait pu ajouter que la stupidité est un atout…"
Le personnage d'Aspasie, la call girl, est également née d'une rencontre. Denys Arcand tournait un documentaire sur la visite de la reine d’Angleterre à Ottawa, lorsque, dans le bar de son hôtel, il regardait un match de football et une jeune femme noire, originaire de l’Alabama, est venue s’asseoir pour lui expliquer les différences entre les règles du football américain et canadien. Il se rappelle :
"Au cours de la conversation, elle m’a dit être escort de luxe et venir au Canada deux fois par an pour satisfaire ses clients : des politiciens de la droite la plus conservatrice, selon elle. Des simili Donald Trump, en quelque sorte… C’était une personne hors du commun, d’une rare intelligence, qui m’a détaillé avec brio les nombreux et juteux investissements financiers qui allaient lui permettre de prendre une retraite bien méritée à quarante ans. Elle m’a donné un cours d’économie extraordinaire…"