Le frenchy Pierre Morel, réalisateur de Banlieue 13, du premier volet de la saga Taken, de From Paris With Love et de Gunman, reste avec Peppermint dans le registre qu’il affectionne le plus : le film d’action.
Peppermint marque le retour de Jennifer Garner à l'action après son rôle culte dans la série Alias et le film Le Royaume avec Jamie Foxx. Cela faisait plus de 10 ans que la comédienne enchaînait les longs-métrages familiaux et les comédies comme Hanté par ses ex, Valentine's Day, La Drôle de vie de Timothy Green, Ma vie de chat, Joyeuse fête des mères et plus récemment, Love, Simon.
Dès leur première lecture de Peppermint, les producteurs de Lakeshore Entertainment Tom Rosenberg et Gary Lucchesi sont tombés sous le charme de son héroïne, mère de famille ordinaire devenue meurtrière assoiffée de justice. Bien conscients du manque cruel de films captivants mettant en scène des personnages féminins forts et courageux, ils savaient qu’il leur fallait se décider très rapidement. Après avoir reçu le scénario un jeudi, ils ont fait une offre le vendredi, et dès le lundi, ils avaient acquis les droits du projet. ″On savait qu’il fallait conclure le plus vite possible, et j’ai donc téléphoné au directeur de l’agence un samedi, ce qui ne m’arrive pas souvent, et j’ai insisté pour qu’on signe le samedi soir″, se souvient le producteur Gary Lucchesi. ″Dès le lundi, il y avait trois ou quatre autres studios sur le coup, si bien qu'on a bien fait d’être un peu persévérants″.
Le nom du réalisateur chargé de porter à l'écran le scénario de Chad St John (La Chute de Londres) a très vite convaincu les producteurs : Pierre Morel, metteur en scène de renom spécialiste de cinéma d’action, qui a initié la saga Taken, et qui a, à lui seul, réinventé le héros de film d’action. ″J’étais à la recherche d’un film d’action porté par un personnage féminin fort, et l’idée m’a paru tout à fait convaincante″, raconte Pierre Morel. ″Ce qui est le plus important à mes yeux, c’est la trajectoire émotionnelle, parce que sans motivations personnelles, il n’y a pas d’action″. Pierre Morel était passionné par les sujets abordés, à commencer par l'impact profond que peut avoir un grave traumatisme sur un individu. ″Riley est très différente des héros de films d’action classiques, qui sont souvent d’anciens espions ou d’anciens militaires. C’est une femme tout à fait banale, qui subit une évolution drastique à la suite d’un traumatisme : son seul objectif, désormais, est d'obtenir justice. Ça a été franchement fascinant pour moi d’essayer de comprendre comment un être humain ordinaire réagit à la suite d’un événement aussi tragique et brutal″.
Jennifer Garner a sauté sur l’occasion d’interpréter cette héroïne redoutable. Elle confie : ″Je n’ai jamais eu l’occasion d’aborder dans un film ce besoin viscéral de protéger sa famille, mais cette idée me parlait beaucoup″. Le caractère extrêmement physique du rôle a donné à l’actrice l’occasion de tirer parti de sa grande expérience des films d’action, après une longue pause loin des combats et des cascades chorégraphiées. Après avoir incarné pendant de nombreuses années la super espionne Sydney Bristow, héroïne de la série Alias, et s'être illustrée dans des films comme Elektra et Le Royaume, Jennifer Garner s’est tournée vers des oeuvres plus dramatiques.
Pour elle qui était prête à se lancer à nouveau dans l’action, le rôle de Riley lui offrait la possibilité de se dépasser, en alliant à la fois son expérience de l’action et du drame. Elle se sentait prête à relever le défi : ″Ça faisait plus de onze ans que je n’avais pas tourné une scène de combat, ce qui est vraiment très long pour réussir à s’y remettre, mais je savais que j’en étais capable. C’est à travers les sensations physiques que j’ai réussi à transmette le désespoir de Riley et les motivations personnelles qui la poussent à chercher à se venger″, explique l’actrice. ″Comme Jennifer est elle-même maman, elle a réussi à s’identifier intimement à son personnage. L’amour d’une mère pour son enfant a quelque chose de féroce, un peu comme une lionne prête à tout pour protéger ses petits jusqu’au bout″, suggère Gary Lucchesi.
Les motivations de Riley et sa méthode sont tout à fait singulières, et ne correspondent en rien à ce dont on a l’habitude dans les thriller de vengeance. Le film renverse complètement la définition du héros de film d’action : il soulève la question des subtilités éthiques qui entourent le concept de justice. La question centrale du film est la différence entre vengeance et justice : où se situe l’humanité entre ces deux pôles ? Comment réagirait-on si on souffrait autant et qu'on faisait face à une corruption aussi flagrante ? ″Je ne sais pas si cette justice-là 6 comble le vide qui s’est inscrit dans l’âme de Riley″, s'interroge Jennifer Garner. ″Au cours de notre premier entretien, Pierre Morel et moi nous sommes demandés si la vengeance pouvait parfois se justifier, et si ce que fait Riley était condamnable ou pas″, raconte l’actrice. ″C’est une question passionnante et complexe à la fois à traiter par le biais de l’intrigue fictive d’un film d’action″. ″La vengeance est un ressort obscur qui ne résout rien et qui ne ramène personne à la vie. Mais pour Riley, il s’agit davantage de justice que de vengeance. Elle exerce une forme de justice que la justice officielle n’a pas su lui apporter, et la question de savoir si c’est bien ou mal rend l’intrigue d’autant plus captivante″, remarque Pierre Morel.
En réalisateur habile sachant raconter des histoires percutantes, fortes et riches en scènes d’action, Pierre Morel a abordé ce projet en insistant tout autant sur l'émotion que sur les cascades. Sous le choc de la perte immense qu’elle a subie, Riley North mobilise le peu d’énergie qui lui reste pour réclamer justice au nom des siens. "Son cheminement émotionnel est fondamental, sans quoi l’action n’a pas lieu d’être", note Morel. Comme dans ses précédents films, le réalisateur a imprégné celui-ci d’action inspirée de la réalité et chorégraphiée sans recourir aux effets spéciaux ou au numérique. Le chef cascadeur expérimenté Keith Woulard a été sollicité pour élaborer ces scènes d'action réalistes, filmée de manière traditionnelle. "Pierre a déjà signé beaucoup de films d’action et savait parfaitement ce qu’il voulait pour ce projet", se souvient Woulard. "Il tenait à réaliser un nouveau genre de film 9 d’action profondément ancré dans la réalité et on a dû planifier minutieusement toutes les scènes plan par plan". "Je me méfie toujours des héros qui accomplissent des exploits pas franchement réalistes, et on a donc étroitement collaboré avec Keith pour éviter de chorégraphier des scènes totalement improbables", souligne le réalisateur. "Encore une fois, ça vient d’une volonté de rendre le film authentique et réaliste. Du coup, elle ne marche pas la tête en bas ni ne vole à l’aide d’un filin dissimulé".
L’un des postulats de Pierre Morel en matière de scènes d’action spectaculaires est qu’un acteur doit être en immersion totale. Le public est de plus en plus exigeant, et le réalisateur a donc considéré qu'il était primordial de dénicher une actrice qui accepte d'effectuer ses propres cascades. "C’est très important d’être dans la tête du personnage tout au long de ce cheminement, et c’est pourquoi il était capital que tout soit accompli par la comédienne : Jennifer a totalement adhéré à cette idée et était prête à se lancer", déclare-t-il. "Pierre sait parfaitement ce qu’il veut, il est très clair et possède un vrai sens de l’action et du cadrage. On a toujours été sur la même longueur d’ondes concernant le réalisme et on s’est très bien compris", se rappelle Jennifer Garner.
Dès qu’elle a accepté le projet, Jennifer Garner s‘est lancée dans un programme d’entrainement et de mise en forme intensif. Elle a passé plusieurs heures par jour avec différents entraîneurs, suivant diverses méthodes comme la musculation, le Krav Maga, la boxe et une forme d’entraînement-chorégraphie inspirée de la danse. "J’ai toujours aimé danser et je crois que c’est pour ça que je suis aussi sensible à l’action : c’est comme une chorégraphie et me servir d’une technique nourrie par la danse m’a beaucoup aidée pour les scènes de combat", développe Jennifer Garner. Bien qu’elle ait conservé un sens aigu de cette technique et n’ait eu qu’à la peaufiner, il a fallu qu’elle travaille de manière approfondie d’autres paramètres. "J’ai dû coordonner mes mouvements en boxe, car ça faisait très longtemps que je n’en avais pas pratiqué. Je me suis donc exercée tous les jours. En plus, pendant plusieurs heures par jour, on a passé en revue tout ce que je devais savoir faire en boxe, en jeu de jambes et en technique de combat", ajoute-t-elle.
Outre la dimension physique, Jennifer Garner a passé du temps auprès de Navy SEALs pour améliorer son aisance à se déplacer et son maniement des armes. "Je connaissais les rudiments pour utiliser une arme, changer les munitions, etc., mais cela faisait aussi longtemps que je ne m’en étais pas servi et j’avais besoin de m’y replonger", reprend-elle. "Jennifer s’est lancée et a tout saisi incroyablement vite", ajoute Woulard. "Riley utilise un vaste arsenal et on voulait s’assurer qu’elle maîtrise leur maniement. Inutile de préciser qu’elle possède un don naturel". Jennifer Garner s’est investie à fond dans le projet et sans sourciller. "Jen ne s’est jamais plaint une seule fois, allant souvent jusqu’à me demander de l’entraîner pendant le week-end", poursuit Keith Woulard. "Elle est le genre d'actrice avec lequel les chefs cascadeurs adorent travailler, car elle traite tout le monde avec le plus grand respect, ce qui pousse à leur tour chacun des techniciens à redoubler d'efforts pour elle".
Jennifer Garner a étroitement collaboré avec sa doublure cascade habituelle Shauna Duggins, qui lui a offert un soutien sans faille. "Shauna est ma doublure depuis presque vingt ans et est devenue l’une de mes amies les plus proches", insiste Jennifer Garner. "À moins que je doive être renversée par une voiture ou tomber dans les escaliers, ce qu’elle ne me laisserait pas faire, elle est toujours là pour me soutenir, 'tu peux le faire, tu sais le faire'. Elle m’a permis d'accomplir toutes ces acrobaties dangereuses, si bien que ce qu’on voit à l’écran, c’est vraiment moi qui l'ai fait. J’espère que les spectateurs auront une grosse boîte de popcorn au cinéma et qu’ils vont s’éclater. Le film est vraiment malin et c’est moi qui ai fait toutes les acrobaties", déclare l’actrice en riant.
Tandis que Riley progresse avec sa liste de noms, elle vise l’un des bastions de Garcia pour affaiblir sa position et celle de ses hommes de main : la séquence se déroule dans une boutique de piñata. Dans cette scène, Riley abat à elle seule – et en quelques minutes – une dizaine d’hommes baraqués et armés jusqu’aux dents. "La séquence dans le magasin de piñata est le fruit de longues heures de travail", explique Keith Woulard. "Il y avait au total 14 salopards dans un espace confiné et Pierre Morel voulait que l’action y soit aussi réglée qu’un orchestre. Il a fallu beaucoup répéter pour y parvenir et Jen a traversé ce magasin comme un cobra", poursuit le réalisateur de 2ème équipe. Vouée à devenir la séquence préférée des fans, la scène des piñatas était le cadre idéal pour un massacre. "Il y avait des piñatas partout, de toutes tailles et couleurs, du sol ou plafond, c’était merveilleux. C’était un endroit très coloré et censé être joyeux, quand soudain c’est l’enfer qui se déchaîne et répand des lambeaux de papier, des chamallows et des bonbons qui volent de partout", souligne Morel dans un éclat de rire.
La transformation de Riley North la mère de famille banlieusarde en justicière redresseuse de torts, repose sur les contrastes, notamment entre les différents arrière-plans du film. On passe ainsi de la banlieue, qui dégage une atmosphère familiale et cordiale, aux ruelles les plus sombres et les plus infestées de criminels. Peppermint dévoile les diverses forces qui coexistent et s’affrontent dans la ville de Los Angeles. La dimension âpre et réaliste de l’histoire se retrouve dans la fabrication du film, loin des plateaux hollywoodiens, et le tout filmé en décors naturels. "De nos jours, tourner dans la ville même où se déroule l’histoire est presque un luxe et on a eu de la chance de pouvoir filmer les rues de Los Angeles à Los Angeles", reprend Pierre Morel. "On a pourtant voulu montrer une facette différente de la ville, loin du feu des projecteurs de Hollywood. On a souhaité mettre en avant des quartiers plus sombres et les gens qui y habitent". Le plan de tournage de Peppermint était ambitieux et difficile, restreint à 44 jours pour la plupart en horaires de nuit. Comme Riley se cache dans une camionnette à Skid Row, les producteurs ont été confrontés au défi de s'imprégner du réalisme sans concession du lieu et de son emplacement stratégique. Ils ont effectué des repérages dans tout le quartier : "Les repérages de nuit ont été très révélateurs : on y assiste à la détresse, on voit à quel point les gens peuvent tomber dans la misère et la déchéance les plus totales", raconte le réalisateur avec gravité.
Pour des raisons de logistique et de sécurité, mais aussi pour ne pas perturber les habitants du coin, la production n'a pas pu tourner à Skid Row. La production a donc pris la décision audacieuse de reconstituer le quartier quelques pâtés de maisons plus loin. "On a filmé dans une zone adjacente à Skid Row, avec plusieurs ruelles communes aux deux. Les rues y ont été nettoyées à la vapeur chargée de produits chimiques à usage industriel pour assainir le périmètre et le rendre sûr pour les membres du tournage. À part ça, tout est resté intact", confie le producteur Richard S. Wright. Même si la production n’a reculé devant rien pour nettoyer cet espace, on apercevait néanmoins un peu partout des rappels du quotidien, parfois sous forme de créatures à quatre pattes. "Après le tournage d’une scène dans laquelle je m’effondre à plusieurs reprises sur la chaussée, j’ai remarqué deux cadavres de rats en me rendant vers le combo trois mètres plus loin. J’ai rigolé et dit 'il y a même des rats ? On fait vraiment les choses à fond !'", raconte Jennifer Garner en riant.