Si la formule "cinquantenaire hollywoodien en perte de vitesse et voulant taper sur des gangsters à fort accent pour renflouer son compte en banque" initiée par Pierre Morel a un peu moins bien fonctionné avec John Travolta ("From Paris with Love") et Sean Penn ("The Gunman"), Liam Neeson, lui, en aura bien sûr pleinement profité avec "Taken" (et ses deux suites) dont l'incroyable succès lui ait tellement monté à la tête qu'il répète depuis inlassablement des variantes de ce même rôle, persuadé d'être devenu une star incontournable du cinéma d'action. Certes, c'en un peu triste car le bonhomme mérite sûrement mieux mais il faut bien reconnaître que "Taken" a raflé la mise et rassemblé un large public avec une part étonnament importante de spectatrices, sans doute séduites par la dichotomie de Bryan Mills, père de famille devenant un distributeur à bourre-pifs sur pattes grâce à son passé d'agent de la CIA pour récupérer les siens. Cette propension d'une gente féminine prête à à se déplacer dans les salles pour voir un film d'action où les liens sentimentaux jouent une place importante, ce petit malin de Pierre Morel l'a bien remarqué et quoi de mieux que de réappliquer sa recette magique avec cette fois une femme dans le rôle principale pour attirer encore un peu plus de ce public ? Voilà donc que débarque presque logiquement ce "Peppermint", vigilante-movie ultra-calibré avec la revenante Jennifer Garner dans le rôle d'une mère de famille au destin forcément teinté d'une violence tragique.
En effet, cette jolie maman du nom de Riley North n'a vraiment pas eu de bol ! Non seulement son mari et sa fille ont été assassinés en pleine rue par un cartel mexicain mais une fois qu'elle a reconnu et désigné les coupables, ces derniers ont été libérés sous son nez grâce un système judiciaire totalement corrompu. Si cela avait été un drame lambda, elle se serait morfondue dans ses larmes pendant des années mais pas question de ça dans un film de Pierre Morel, la maman braque une banque et s'enfuit aux quatre coins du monde pour devenir une véritable machine à tuer et revenir cinq plus tard, bien décidée à faire payer tous ceux qu'elle juge responsables de la mort de ses proches...
Curieux choix que fait ce "Peppermint" dans un premier temps avec sa chronologie désordonnée... En plus de la partie "entraînement" de cette mère bien trop rapidement abordée pour être crédible, le film élude presque entièrement les affrontements avec les meurtriers directs de sa fille et de son mari pour se concentrer sur leur commanditaire à la tête d'un trafic de drogue. Cela a déjà pour conséquence de passer à côté d'une donne émotionnelle essentielle à un vigilante-movie (La force d'un face-à-face entre Riley et ses assaillants de cette fameuse nuit) mais il en résulte surtout une impression d'un drame utilisé comme un simple prétexte pour faire débouler une Jennifer Garner remontée comme une pendule badass dans le monde des narcotrafiquants mexicains. Et c'est exactement ça finalement, "Peppermint", un truc complètement basique qui n'est là que pour enchaîner des scènes d'action filmées avec suffisamment de solidité par Pierre Morel pour ne pas ennuyer mais pas assez pour en délivrer de vraiment marquantes. Au milieu de tout ça, il y a bien un twist amené avec la subtilité d'un mammouth en rut (les fausses-pistes l'entourant sont presque signalées par un immense panneau lumineux) et quelques idées aussi intéressantes qu'inexploitées dans l'ombre de cette héroïne (cette double facette ange de la mort/ange protecteur d'une communauté ou la façon dont elle est perçue par les réseaux sociaux) mais "Peppermint" n'en a que faire et se contente d'empiler les cadavres mexicains jusqu'à l'inévitable affrontement avec le boss final.
Néanmoins, s'il y a bien une qualité qu'il faut reconnaître à Pierre Morel (et Liam Neeson peut en témoigner), c'est sa manière d'iconiser ses héros dans leur odyssée meurtrière et, ici, on peut dire qu'il trouve la figure vengeresse parfaite en Jennifer Garner. Visiblement heureuse de quitter la case des seconds rôles auxquels elle était abonnée depuis des années, l'actrice renoue d'une conviction impressionnante avec un cinéma bien plus physique et nous emporte sans mal avec elle dans les traces de sang qu'elle laisse sur son passage. Elle est véritablement le coeur et le bras armé de "Peppermint" qui en devient même souvent un écrin bien trop minuscule pour son talent au vu de l'énergie contagieuse qu'elle déploie.
Au final, "Peppermint" a au moins le mérite d'être parfois efficace mais, à force d'appliquer la même formule encore et encore à quelques variations près, les films de Pierre Morel commencent vraiment tous à avoir la même saveur -ou fadeur, c'est selon.
Au moins, celui-là aura permis le retour en force et en grande forme d'une Jennifer Garner dont on avait oublié la puissance qu'elle peut avoir à l'écran dans un tel rôle. Vous l'avez compris, "Peppermint" n'existe tout simplement que pour sa seule présence...