Pour filmer, sous forme d’une comédie grinçante, les coulisses des campagnes électorales françaises, rien ne vaut la démarche dit « du candide ». C’est peu dire que c’est un angle qui n’est pas nouveau, c’est même vieux comme Voltaire ou Montesquieu, mais c’est encore le meilleur moyen de montrer les absurdités d’un système auquel on est, par la force des choses, plus ou moins habitué. Fort de son expérience en la matière (la politique est son terrain de jeu en tant qu’auteur de BD) et de ses relations, notamment avec l’ancienne équipe gouvernementale, Mathieu Sapin filme pied au plancher une campagne électorale. Même s’il prend soin de changer les noms, de changer les noms des partis, de ne jamais situer précisément ses personnages sur l’échiquier politique, son film n’y perd pas au change. Clairement, ce n’est pas un film sur la politique mais plutôt sur la communication politique, comme ci cette dernière avait définitivement remplacé le combat d’idée et que tout le monde l’avait plus ou moins intégré. C’est filmé sur un rythme trépidant, correspondant bien au marathon électorale dans lequel ses personnages sont engagés, le film dure un peu plus d’1h30, et ca passe bien, pas de temps morts, pas de scène qui tirent en longueur. La musique est omniprésente, elle est sympathique, variée et très bien utilisée, elle s’intègre au film, lui donne une vraie pulsation sans prendre le dessus. Il y a de jolis plans, des petits effets rigolos comme les sms, les courbes des sondages ou les tweets qui apparaissent à l’écran comme s’ils étaient dessinés sur le film, c’est marrant, c’est un peu original. Si on peut trouver des choses à redire sur « Le Poulain », ce n’est pas du côté de la réalisation qu’il faut aller chercher. Ce n’est pas non plus du côté du casting qui fait très bien le job. En tête d’affiche, Finnegan Oldfield et surtout Alexandra Lamy sont très crédibles, cette dernière étant, je trouve, de plus en plus audacieuse dans ses choix et de plus en plus belle. En second rôle, on note la bonne performance de Philippe Katherine, (quoiqu’un peu décalé, un peu étrange mais bon, c’est Philippe Katherine !), de Valérie Karsenti et de Gilles Cohen. Et puis, au milieu de ce casting on reconnait Gaspar Gantzer. Pour ceux qui l’ignorent c’est l’ancien chef de communication de François Hollande. Même s’il est dans son élément, il n’est jamais évident de se retrouver propulsé acteur quand on ne l’est pas et je trouve qu’il s’en sort très bien, dans les quelques scènes où il apparait. Ma foi, s’il échoue à devenir maire de Paris, il pourra toujours tenter la comédie ! Là où je serais plus modérée, c’est sur le scénario du film de Mathieu Sapin. Il a choisi l’angle de la comédie, donc on s’attend à voir les traits de caractères accentués, les évènements caricaturés, les personnages sortir un peu du cadre de la crédibilité, c’est normal. Mais il faut quelques limites et c’est peu dire qu’il faut faire un effort pour croire à l’histoire d’Arnaud. La façon presque surréaliste avec laquelle il devient assistant de la conseillère communication laisse pantois : on lui force la main alors qu’objectivement, il ne venait pas chercher du travail. Lui n’a même pas besoin de « traverser la rue », le job lui tombe dessus et s’agrippe à lui, du moins au début ! Plus le temps passe et plus il apprend les codes, et on sent qu’il reste dans le milieu plus par jeu ou par défi que par conviction, d’ailleurs en a-t-il, des convictions ? On ne le saura jamais, comme si les convictions, c’était superflu ! Son ascension rapide et presque incongrue pourrait être qualifiée de « pas du tout crédible » si l’actualité politique de l’été n’avait prouvé que parfois, des types sortis de nulle part, et aux compétences mal définies, se retrouvent au cœur du pouvoir en deux temps- trois mouvements ! Quand on regarde « le Poulain », on se dit que le film est dans une sorte de caricature mais que l’actualité folle de la vie politique moderne le rattrape à la vitesse d’un cheval au galop. Est-ce que la politique sort grandie d’un film comme celui-là ? Un peu « oui » et beaucoup « non ». Non parce que il n’est ici question que de politique politicienne, de sondages, de ralliements et de trahisons, d’appareils et petites phrases. Sur ce point, c’est sanglant, c’est cynique et, même si c’est drôle sur la forme, sur le fond, c’est assez pathétique. Mais comme je l’ai dit, c’est plus la communication politique qui est brocardée ici que la politique en elle-même. Les hommes et les femmes politiques dépeints par « Le Poulain » sont certes ambitieux et un peu manipulateurs mais ils semblent malgré tout sincères, sentimentaux même, parfois touchants
(comme ce candidat dévasté par la mort de sa maman, envisageant même de tout arrêter à une semaine du premier tour)
mais surtout fragiles. La politique est un monde d’une dureté terrible qui écrase les personnes, fracasse les ego, détruit les vies personnelles, il faut vraiment avoir l’envie de servir le pays chevillée au corps pour y survivre. « Le Poulain », en ne montrant que le cynisme et la petite cuisine de la communication politicienne, caresse quand même dans le sens du poil, quoi qu’on en dise, les adeptes du « tous pourris » et autres « dégagisme », et ça n’est pas à mettre à son crédit. C’est, en résumé, un film agréable et drôle, inventif et acide qui fait passer un bon moment mais que personnellement, je conseille de regarder à bonne distance. C’est sérieux la politique, la vraie, celle des idées, or le film de Mathieu Sapin la réduit à ce qu’elle produit de pire, et je trouve que cela laisse une impression désagréable au final.