Mathieu Sapin, initialement auteur de bandes dessinées, se livre ici à sa première réalisation au cinéma. "Le Poulain", en plus d'être un premier film, est un défi conséquent car il aborde les méandres humains au coeur d'une campagne présidentielle fictive. De par ses personnages déterminés et ambitieux, ce récit initiatique regorge de valeurs universelles et aurait très bien pu s'appliquer dans le monde des affaires, du show-business, du sport ou des médias. Mais le cadre politique français se fait discret au cinéma et le réalisateur tente ici de pointer les enjeux dramatiques et les ressorts comiques de ce milieu.
L'histoire se concentre sur un jeune qui fait ses premières armes dans la vie active, et qui, par un concours de circonstances, se voit propulsé dans la sphère politique. Il rejoint alors l'équipe d'un candidat en lice pour les prochaines élections présidentielles. Assimilé à un rôle moindre d'assistant, il va observer les rouages complexes et contradictoires via une directrice de communication à la fois tendre et cruelle, expérimentée et imprévisible.
En soit, "Le Poulain" est un film agréable face auquel on ne s'ennuie pas et où on se plait à voir les doubles facettes des politiciens. Inspiré adroitement de la réalité et empreint d'une certaine véracité, "Le Poulain" offre un envers-du-décor savoureux digne d'une partie de Loup Garou où chacun joue pour sa peau, sans vraiment s'attacher aux autres. Ainsi, les coups bas, les compromis et les manipulations de ce monde de requins se font la malle sans jamais sombrer dans un aspect documentaire. Ce film rend bien compte de l'ambiguïté, du ridicule, des gamineries, voire même du vide de la politique actuelle. Le portrait dressé est en effet pas très glorieux. Les dialogues et la relation entre la directrice de communication et son stagiaire sont bien dessinés, rudement bien menés et constituent le fil rouge le plus lisible du long-métrage.
Ce qu'il faut savoir, c'est que "Le Poulain" est avant tout une comédie, mais une comédie que j'appellerai décousue. D'ailleurs, on a l'impression qu'elle sait pas trop dans quel genre elle doit se ranger, ni si elle doit être drôle ou sérieuse. Jonglant principalement entre chronique politique, comédie et romance, on ne peut pas dire que ce mélange joue en la faveur du film. Comme le ton est léger et les blagues efficaces, on en perd parfois la férocité du propos et le côté corrompu du monde politique. Alexandra Lamy, qui interprète son premier rôle de "méchante" si j'ose dire, reste très solaire et inspire la confiance. Certes, elle démontre encore qu'elle est une actrice tout terrain ; après les comédies romantiques, les drames et les thrillers, ce rôle politique lui sied très bien. Mais on a du mal à voir en elle les reflets de la manipulation, de l'égoïsme et de l'ambition à tout prix. Certes, les situations parlent d'elles-même mais l'actrice porte en elle une sympathie contagieuse qui ne sert malheureusement pas le propos du "Poulain". Difficile de crédibiliser la réplique qui la surnomme "le frigidaire" tellement elle déborde de chaleur et de répartie... De plus, les nombreux graphiques explicatifs et ludiques montrant la progression des intentions de vote du candidat aux présidentielles font perdre en fluidité et en piquant ! Selon moi, une pointe de tension supplémentaire et des retournements de situation plus incisifs auraient permis à ce "Poulain" de se singulariser, de marquer les esprits tout en ouvrant les yeux.
Par son manque de profondeur et son ton trop décalé, "Le Poulain" se renferme dans son genre comique sans se risquer à prendre parti politiquement parlant. C'est surement ça son principal défaut.