Lumineuse première année
Le pitch est simplissime sans tomber dans le simplisme.
Deux étudiants.
À droite Benjamin, fils d’un chirurgien et d’une historienne, frère d’un centralien, fluide en tout. Même quand il jogge, il est fluide, léger, facile, et rapide. De la caste des bien nés, une cuillère d’argent dans les viscères, et qui baignent depuis toujours dans les codes des bêtes à concours, y naviguent avec grâce et naturel, et avec ce petit «plus», que les jaloux nomment pudiquement «des facilités d’apprentissage». A l’aise en tout sauf avec son père, une raclure qui ne le trouve jamais assez bien.
À gauche Antoine. Il dors loin de la fac en banlieue moyenne, né de parents moyens, d’une intelligence moyenne, d’une foulée désunie et inefficace, mais au moins lui il a un objectif, une obsession, un cauchemar plus qu’un rêve : devenir médecin.
Antoine triple sa P1. L’inhumaine première année de médecine, 10% seulement des P1 gagnent leurs places en P2. Le fameux numerus clausus.
Benjamin débarque de son bac S, sans avoir suivi le stage de pré-rentrée en août, il ne connaissait même pas l’existence de ce stage. Dilettante, il fait médecine sans conviction parce qu’il n’a pas encore trouvé sa voix, alors il suit celle de son géniteur.
Antoine, ça fait déjà 2 ans qu’il rédige inlassablement des fiches, qu’il ingurgite tous les noms des nerfs et des os humains, qu’il se bat contre les dérivées et les intégrales, qu’il encaisse les ondes physiques et cherche à correctement à les réfléchir. Sans succès notable. Péniblement.
Ces deux là vont devenir amis, la parabole de la carpe et du lapin reptilien. Car réussir en P1 fait appel au cortex reptilien, à la mémoire bien plus que la compréhension.
Ça tombe bien, Benjamin il est super fort en mémoire! Et il sait comment transmettre, faire comprendre, faire mémoriser. Sans spoiler, si Antoine passe en P2 à la fin du film et de l’année, c’est uniquement grâce à Benjamin. La motivation d’Antoine, sa passion folle qui le pousse à aller espionner les 3emes années en cours d’autopsies comme d’autres vont sur YouPorn, ne suffit pas. Ce n’est pas triste, non, c’est la vie, son injustice et ses opportunités qu’il faut savoir saisir. Antoine s’accroche à Benjamin comme un naufragé s’accroche à un bateau pilote, et une fois à bon port, arrivé in extremis sur le quai P2, Antoine remercie Benjamin d’un regard d’une infinie gratitude.
La photographie du film est magnifique, les plans intimistes dans la chambre de bonne de Benjamin alternant avec les scènes de foules d’étudiants. Mécanique simple et forte. Et les deux jeunes acteurs, impeccables de justesse et de pudeur, offrent et reçoivent tour à tour.
Tout finit bien. Antoine sera médecin et Benjamin se libère de son père. Tout est à sa place.