Patti Cakes est né dans l’esprit de Geremy Jasper après ses études universitaires. Il vivait alors chez ses parents, s’occupait de sa grand-mère, malade et âgée, se débattant contre les difficultés du quotidien tout en aspirant à faire de la musique. Très vite, il se rend compte que sa vie risque de lui échapper. Ce sentiment est le fondement de l’histoire de Patti Cakes, une jeune fille qui rêve de devenir rappeuse, mais qui est coincée dans une petite ville du New Jersey et son décor morose. Elle rêve de traverser le pont qui la sépare de New York, la ville de tous les possibles où elle pourrait accéder à la gloire :
"Patti est une version contemporaine et féminine de moi-même dans mes jeunes années. J’ai grandi dans le New Jersey et j’avais envie de fuir cet État. Elle vit ce que j’ai vécu à 23 ans. J’ai tiré partie de ma propre expérience en combinant mes souvenirs, mon éternelle obsession pour le rap, et mon admiration pour ces femmes fortes et remarquables qui m’ont élevé pour créer cette jeune fille pétillante et hors du commun. J’ai voulu rendre hommage aux femmes de ma vie et au New Jersey."
Pour créer le personnage de Patti, Geremy Jasper s’est inspiré des adolescentes qui jouaient dans l’équipe de basket entrainée par son père : "Elles étaient capables de battre les garçons sur le terrain. Elles étaient dotées d’une force incroyable. Je me suis dit qu’une jeune fille blanche en surpoids d’une petite ville du New Jersey ne correspondrait pas du tout aux normes attendues d’une artiste de hip-hop et cette idée m’a conquis", explique le cinéaste.
Le réalisateur Geremy Jasper a toujours été féru de musique. Dans sa jeunesse, il a formé le groupe The Fever : "Chaque nuit, je rêvais que je rencontrais Bob Dylan. On jouait de la musique ensemble et il me bredouillait des paroles de sagesse. Mais chaque matin, je me réveillais chez mes parents."
Le hip-hop a été la révélation musicale de Jasper. À 9 ans, il entend un morceau de Run-DMC et devient aussitôt accro. Il se met alors à écrire des textes de rap avec un ami et joue sur de petites scènes : "Ce film a été comme une excuse pour me remettre à écrire du rap que j’avais mis de côté jusqu’à ce que l’idée de Patricia Dombrowski germe dans mon esprit."
Le réalisateur Benh Zeitlin, un ami de Geremy Jasper rencontré à l’université, le pousse à la réalisation. Jasper écrit la première mouture du scénario en 19 jours et l’envoie au « Sundance Screenwriters Lab » où il est sélectionné pour travailler avec des cinéastes tels que Quentin Tarantino. Michael Gottwald, producteur : "Le projet a réellement décollé lorsqu’on a participé aux séances d’écriture scénaristique de Sundance. Le personnage de Patti a énormément changé. Elle était plutôt ordinaire et gauche, elle est devenue plus affirmée et profonde. L’histoire est assez classique, mais elle est originale dans son exposition et son déroulement."
Après avoir terminé l’écriture du scénario, Geremy Jasper a été l’un des huit réalisateurs invités à participer au « Sundance Institute Directors Lab », un atelier d’un mois où il a pu commencer les répétitions, le tournage et le montage des scènes clés.
Pour interpréter Patti, Geremy Jasper et ses producteurs devaient trouver une actrice avec un look particulier, capable de porter la vulnérabilité et l’endurance du personnage à l’écran. Geremy Jasper explique : "Patti est dure à l’extérieur et elle jure comme un charretier, mais au fond elle cherche simplement à se protéger. Elle a la sensibilité d’un poète." Le réalisateur ne cherchait pas une starlette type et ne voulait pas d’une actrice connue du public. Le producteur Noah Stahl avait remarqué Danielle Macdonald dans le film The East. Il a tout naturellement suggéré à Geremy de la rencontrer. Théoriquement, Danielle n’avait pas les atouts requis pour incarner Patti.
Elle est australienne, ne s’était jamais essayée à parler avec l’accent du New Jersey, et surtout n’avait aucune expérience musicale. Geremy Jasper : "Je ne savais pas si elle jouait bien ni si elle pouvait rapper. Mais elle avait le visage que j’avais en tête depuis le début." Danielle s’est demandée pourquoi le réalisateur avait pensé à elle : "Le rôle était tellement différent de tout ce que j’avais fait auparavant. C’était à la fois terrifiant et très cool. Je suis allée dans l’Utah rencontrer l’équipe. Ensemble, on a décrypté le personnage et ajusté le scénario."
Barb, la mère de Patti, est une véritable force de la nature, intimidante physiquement et émotionnellement. Geremy Jasper : "Pour interpréter cette femme à fort tempérament, il fallait trouver une actrice qui pourrait tenir tête à Patti. Je cherchais une actrice naturellement culottée et débridée, capable de repousser ses limites et s’exprimant aussi crûment que Patti. Je ne voulais pas que l’actrice soit connue du public et qu’elle ressemble aux femmes avec lesquelles j’ai grandi. J’ai vu Bridget Everett dans Inside Amy Schumer, et aussitôt je me suis dit que j’avais trouvé Barb. Elle avait la musicalité et le physique que je recherchais. C’est une femme forte et sexy, sombre et belle. On sent la douleur et la déception de cette femme qui s’enflamme lorsqu’elle chante dans le bar miteux du coin, avec un karaoké comme orchestre d’accompagnement."
Geremy Jasper a écrit et enregistré la musique originale du film, compilant un album entier de chansons. Il avait quelques-uns des rythmes en tête depuis longtemps et avait écrit certaines paroles lorsqu’il avait l’âge de Patti. Mais en modifiant le scénario et en développant le personnage, il fait de multiples changements. Pendant le tournage, Geremy réécrit les paroles, inspiré par la progression de Danielle Macdonald dans la découverte de son personnage. Noah Stahl, producteur : "Geremy retravaillait pendant que Danielle apprenait." Danielle a passé 2 ans à trouver la voix de Patti répétant avec Tim Monich pour qu’elle ait l’accent et l’attitude du New Jersey et avec le rappeur Skyzoo pour l’aider à affiner ses rimes et sa rhétorique.
Le réalisateur donne à l’actrice une chanson par semaine sur laquelle elle doit travailler et qu’elle doit enregistrer pour lui : "C’était un peu dur au début, mais elle était prête à tout donner pour y arriver. Elle était terrifiée à l’idée de rapper, mais je préférais choisir une actrice qui pourrait apprendre qu’une rappeuse qui n’avait jamais joué et aurait peut-être du mal à trouver la profondeur émotionnelle requise par le personnage. On a commencé par un rap simple avec Salt-N-Peppa et progressivement elle a pu interpréter Control de Kendrick Lamar. Elle s’améliorait de jour en jour en disant son texte comme si c’était du Shakespeare et au fur et à mesure, c’est devenu très naturel."
Patti Cake$ appartient à une longue lignée d’esprits créatifs qui ont grandi sur la mauvaise rive de l’Hudson River et rêvent de vivre dans l’agitation de New York, de l’autre côté du pont. Une tradition qui inclut Bruce Springsteen, Patti Smith, Frank Sinatra et le rappeur Fetty Wap. Pour le réalisateur Geremy Jasper, il était primordial de recréer l’authenticité du New Jersey. Il a même embarqué son équipe et les acteurs dans une visite guidée des quartiers de ses jeunes années. Il explique : "Comprendre les spécificités du cadre est essentiel à l’histoire, même si les personnages et leur voyage émotionnel sont universels. Je voulais leur montrer que le New Jersey est bien plus qu’une blague récurrente de la part des autres, ou la plaque tournante des mafieux, comme on le voit souvent à l’écran. Faire ce film a permis à tous de voir des gens et des lieux ordinaires, tout ce que je cherchais à fuir quand j’étais gamin, mais qui reste précieux et beau."