Eh ben... je joue souvent à un jeu avec des amis : "pour combien tu fais..." (remplacez les points de suspension par lécher une barre de métro, manger des matière fécale (avec distinctions selon la fraicheur et l'origine du donneur...) et d'autres choses bien trop choquantes, même pour internet). Cependant, conduire un camion plein de nitroglycérine n'a jamais été une question posée... et je pense que j'aurai demandé plusieurs millions (et pas 2000 comme dans le film) et après avoir vu le film... c'est niet... Alors que je pensais que tout avais un prix...
Parce que pour une fois on a un film qui porte bien son nom. C'est stressant, angoissant... L'Angoisse, c'est le mot qui définirait le mieux ce film... Si je ne savais pas trop de quoi ça parlait, si ce n'est qu'un type allait conduire un camion (mais c'est tout...), au début, c'est assez surprenant de voir, assez longtemps, un paysage de campagne d'Amérique centrale se développer, avec ses personnages, ses habitudes, ses amitiés, ses amours... Mais surtout sa misère, son ennui et son côté mortifère. Parce que rester là, c'est mourir.
Il fallait au moins ça pour justifier le fait que des gens acceptent de conduire ce camion, montrer cette misère (alors c'est encore assez soft, c'est pas Terre sans pain de Bunuel non plus...), montrer ces gens pour que l'on s'attache à eux et que leur sort nous importe.
Et puis le couperet tombe, ils sont quatre, ils vont partir dans deux camions et là... éloge de la lenteur. Clouzot a bien évidemment tout compris, tout, absolument tout... Dès qu'il sort, ce premier camion, dès qu'il sort du camp... on voit les pneus avancer tout doucement, il n'y a rien, aucun obstacle, rien... et déjà on sait qu'on va souffrir... Le plan de la sortie doit bien durer 30 secondes, où on voit juste ce camion en plan fixe avancer au pas... et c'est déjà fini, ils sont tous morts, on est mort avec eux... la marche funèbre peut commencer.
Le fait de partir à deux camions, c'est juste génial ! Si on se doute que le camion de Montand, qui est le héros, arrivera plus loin que l'autre... ça permet d'alterner les points de vue, rajouter du stress, parce que finalement... on s'attache aux deux autres pilotes aussi.
Et on voit ce brave gars qui n'avait peur de rien, un vrai dur qui balise à mort... et le pire, c'est que dans n'importe quel film il aurait été chiant comme personnage, un boulet scénaristique... mais là on le comprend... on le comprend... c'est normal d'avoir peur... on n'est pas humain si on n'a pas peur.
Les péripéties s'enchaînent, toutes plus stressantes les unes que les autres... Comme quoi il ne faut pas une grande idée complexe pour faire du grand cinéma... une idée aussi simple que ça, avec une mise en scène aux petits oignons ça fait tout ! C'est la simplicité du truc qui fait la qualité du bidule ! Juste quatre types, de la nitro, deux camions et des embuches... et ça aurait pu durer 5 heures je n'aurai pas quitté mon canapé, j'en aurai été incapable ! tout bonnement incapable !
Et c'est ça le défaut du film, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop court... et je suis content qu'Arte ait la présence d'esprit de diffuser le remake demain soir... parce que j'ai envie d'en reprendre une couche, d'en reprendre pleine la gueule !
Claque monumentale, un sommet de précision...