On n’oubliera pas de sitôt le regard de Zain, ni celui de sa sœur Sahar, ni même celui du petit Yonas…quand on sait que tous les acteurs sont des gens dont la vie réelle ressemble à celle du film, je suis toujours surpris ce qu’un réalisateur est capable de tirer d’un enfant….Zain, Sahar, Yonas représentent une communauté invisible dont les membres survivent, enfants perdus, négligés, malmenés par les conflits, les guerres ou l’extrême misère…des enfants qui ne vont pas à l’école, qui perdent l’insouciance de la jeunesse et n’ont ni tendresse, ni le lait ou le pain…
Zain, douze ans, vit de rien, des petites choses, de ce qu'il réussit à mendier ou de ce qu'il récupère en vendant des babioles ou des boissons rafraîchissantes aux touristes en quête de typicité culturelle. Cet argent dont il ne profite jamais, lui permet uniquement de nourrir sa famille et notamment sa petite sœur de 11 ans, Sahar, qu'il s'est juré de toujours protéger… Mais le jour où le pire arrive à Sahar et que ses parents en sont les principaux responsables, pour l’avoir « mariés » au fils de leur propriétaire, Zain décide de les poursuivre devant la justice, et à la question du juge « Pourquoi attaquez-vous vos parents en justice , » il répond « Pour m’avoir donner la vie »… C'est ainsi que s'ouvre Capharnaüm, au tribunal, à l'aube de la confrontation judiciaire de Zain avec ses géniteurs…mais nous abandonnons vite le tribunal pour entrer dans un long flash-back pour nous faire comprendre les raisons qui ont amené Zaim à poursuivre ses parents…Quand ses parents sacrifient Sahar pour des raisons pécuniaire, Zaim fugue… et l’on suit ses multiples pérégrinations dans les rues grouillantes de Beyrouth, de ses nuits difficiles esseulé dans un parc d'attraction jusqu’à sa rencontre avec une jeune immigrée clandestine éthiopienne vivant dans un bidonville et dont il deviendra le baby sitter attentif de son jeune fils Yonas. Zaim est de tous les plans, filmé par une caméra portée à l’épaule, plongées, contre-plongées, ralentis…. Nadine Labaki, la réalisatrice et scénariste, dans un style brut et un naturalisme percutant (décors naturels, acteurs amateurs), essaye par tous les moyens de capter au plus près la misère ambiante.
Mais n’en fait-elle pas un peu trop ? Si elle offre une vision très réaliste du Liban d'aujourd'hui, celle d’un petit pays dont 30% de la population sont des réfugiés syriens et palestiniens et propose une réflexion intéressante sur la société et le monde arabe (notamment sur les femmes), le film pâtit d’un misérabilisme agaçant…trop long, trop complaisant , trop larmoyant…parfois trop confus et fourre-tout…les enfants maltraités, les mariages forcés, l’immigration bien sûr, les sans-papiers, la corruption et la misère…Le sujet du film est suffisamment fort sans avoir besoin de ces artifices et fioritures….jusqu’à la fin à l’optimiste forcé , où la réalisatrice semble chercher les larmes de ses spectateurs… trop d’emphase tue l’empathie…dommage !!