Egon Schiele est un film tourné en langue allemande et c'est l'unique raison pour laquelle je suis allé le voir. En effet, peu de films allemands sortent en France de sorte que je ne suis pas regardant. Mais comme je l'ai toujours dit, le filtre est tellement fort qu'en règle générale, les films qui nous parviennent sont vraiment bons. Schiele ne déroge pas à cette règle.
Je trouvais d'ailleurs cela excitant de ne rien savoir du film avant de le voir. J'ai juste vu l'affiche en sortant du boulot, je me suis contenté de vérifier que c'était bien joué en allemand en regardant quelques secondes de la bande annonce et basta. Je savais juste qu'il s'agissait d'un peintre autrichien du début du 20ème siècle.
Spontanément, j'ai pensé à Klimt, à la sécession viennoise et il est vrai qu'on en entend parler. On voit même Klimt dans le film et certaines scènes se déroulent pendant des expositions de la fameuse sécession que j'avais découverte lors d'une exposition sur le mythe Beethoven à la philharmonie ! Étonnant n'est-ce pas ?
Il ne s'agit pas d'un biopic à proprement parler qui revient sur toute la vie de cet artiste. C'est l'adaptation d'un livre paru sur sa vie. Ainsi, ce long métrage use de flashbacks qui permettent de reconstituer les fragments et de comprendre au fur et à mesure où en est cet homme lorsqu'on le trouve alité, En 1918, en pleine première guerre mondiale, rongé par la grippe espagnole.
On nous dépeint un redoutable séducteur. Il séduit naturellement les femmes qui posent pour lui mais à mesure que le film avance, la séduction de Schile s'opère aussi sur le spectateur. Sa manière de vivre son art sans concession. La nature de sa peinture, son style. Et bien entendu, le petit parfum de subversion et de scandale dans le fait de faire poser de très jeunes femmes, voire des enfants. Tout cela crée une sorte de magnétisme et il faut dire que le comédien qui joue Egon Schiele est très charismatique et très, très séduisant. Noah Saavedra signe une composition vraiment mémorable. Car on s'intéresse ici davantage à l'homme qu'à l'art ou à ses œuvres. En effet, on se rend rapidement compte que pour appréhender sa peinture, il faut l'appréhender lui. Les innombrables scènes où on le voit peindre, dessiner ont pour conséquence que à la fin, lorsqu'on voit ses dessins, on comprend tout, on n'a besoin d'aucune explication. Ce film nous fait connaître intimement ce peintre et c'est un tour de force.
Les moyens employés par le metteur en scène Dieter Berner sont très efficaces. Je suis encore tout boulversé par la maîtrise montrée ici. La fluidité des mouvements de la caméra, qui n'hésite jamais à prendre de la hauteur, à suivre ses personnages, à s'en rapprocher. Les cuts savamment distillés, le montage intelligent. Une merveilleuse photographie. Des plans qui renvoient directement à la peinture et enfin, ces jeux incessants avec les reflets, les miroirs. Un des premiers plans du film montre le reflet de Gerti Schiele sur la vitre d'un train. Puis tout au long du film, on aura droit aux différents modèles filmés dans le reflet d'un miroir, je ne compte plus ces plans tellement ils sont nombreux.
Que révèle ce jeu ? Que révèlent ces reflets ? L'art ? L'homme ? La beauté ? Toutes ces choses à la fois.
La caméra parviendra toujours à montrer quelque chose de beau, que ce soit un plan sur la nature, la forêt, sur des femmes, sur des toiles. Une poésie irrésistible se dégage de l'ensemble grâce aussi notamment à une bande originale intelligemment utilisée. Une vraie pépite.
En conclusion, Egon Schiele le peintre gagne à être découvert, et l'œuvre cinématographique gagne à être vue car elle a été faite par des gens qui sont définitivement des artistes au sujet peut être de l'artiste ultime qui a vraiment peu à envier à un Picasso.