Bon, on va commencer par évacuer une question centrale : le présent film est une petite claque visuelle, contenant en son sein certains des plus beaux plans de cinéma que j'ai pu voir, avec des idées visuellement brillantes, des effets de style qui s'intègrent parfaitement au propos, des mouvements de caméra impeccables, une vraie capacité à installer une atmosphère pesante, bref, c'est vraiment un petit bijou de mise en scène. Autre évidence, c'est bien sûr le casting, dominé par un Ricardo Darin qui s'impose définitivement comme l'un des plus grands acteurs de notre ère. C'est bien simple, dans chacun des plans dans lesquels il apparaît (presque tous), il bouffe l'écran, impose son charisme, son regard hypnotique, sa démarche féline, son calme qui cache des tourments intérieurs parfaitement retranscrits, bref, il est exceptionnel dans ce rôle taillé sur mesure. Le reste est à l'avenant, avec de belles prestations des 2nds rôles, un peu moins connus à l'international comme Dolores Fonzi, Erica Rivas ou encore Gerardo Romano. On retrouve aussi ce bon vieux Christian Slater, sortit du purgatoire par la série «Mr Robot» et qui démontre que, bien dirigé et avec un rôle adéquat, il peut encore sortir des prestations de haut niveau. Et puis il y a Elena Anaya, certes brillante mais dans un rôle qui polarise un peu les défauts du film. Car oui, le film est loin d'être aussi génial promis que le promettait son pitch et encore moins une réputation assez flatteuse depuis son passage à Un Certain Regard à Cannes. Le principal problème vient de la narration, un écueil souligné par certains critiques qui ont beaucoup aimé le film. Il faut dire qu'on se retrouve parfois avec des scènes dont on se demande bien ce qu'elles font là. Le principe de base est pourtant palpitant, nous plongeant dans un jeu de pouvoirs, d'intrigues, de compromissions, de négociations en sous-main, d'histoires de corruption, bref, de ce qui gangrène une large partie de l'exercice du pouvoir par des hommes politiques soumis à différentes pressions. Et oui, sauf que cette partie du film n'occupe pas l'ensemble de l'intrigue, qui se dilue parfois de manière trop abstraite dans l'intrigue familiale, qui normalement devrait s'entremêler plus harmonieusement avec l'intrigue politique, afin d'illustrer le parcours chaotique de cet homme. Sauf qu'après la scène d'hypnose, le tout déraille complètement. On se demande où Santiago Mitre veut en venir, pourquoi on s'attarde là-dessus, quelle métaphore se cache au milieu de tout ça (d'autant que la finalité reste énigmatique). Bref, c'est brouillon, mal agencé, parfois maladroit, et ça n'aboutit pas sur grand chose. C'est d'autant plus dommage que toute l'intrigue politique est plutôt passionnante et incroyablement bien vue. C'est dans ces scènes que la mise en scène décolle, que l'atmosphère nous prend aux tripes, que notre œil guette chaque mouvement des protagonistes. Et on se demande ce que vient faire la brave journaliste campée par Elena Anaya, introduite comme un personnage central avant de devenir inutile et sans emprise sur les événements. C'est rageant aussi parce que le film dresse beaucoup de ponts avec une certaine politique dans laquelle nous pouvons nous reconnaître (le président argentin est surnommé L'Homme Invisible par certains éditorialistes et s'est présenté sous le visage d'un homme normal voire banal). Cette thématique de l'Homme normal qui devient président était pourtant intéressante, surtout quand on sait que l'Homme est faillible, sa normalité devenant alors synonyme de faiblesse dans ce monde rude, cruel et fourbe. C'est en effet un homme exceptionnel, inflexible et incorruptible qu'il faut, et non un homme comme les autres, qui suit le chemin tracé par l'argent. D'autres critiques sur thisismymovies.over-blog.com