Eric Toledano et Olivier Nakache sont, sans doute, les meilleurs réalisateurs français de comédie depuis 10 ans (depuis l’excellent "Nos jours heureux" en fait). Ils ont, pourtant, déçu avec "Samba", qui faisait suite au raz-de-marée "Intouchables" et qui, visiblement, les avait contraints à revoir leur cinéma sur un angle plus sérieux (voir dramatique). Ils ont visiblement retenu la leçon puisqu’ils reviennent en très grande forme avec cette fantastique comédie qu’est "Le sens de la fête". Tout, dans ce film, tient du petit miracle. Le casting, tout d’abord, est une merveille de melting pot avec des acteurs d’horizons diamétralement opposés dont la complémentarité (pas forcément évidente sur le papier pourtant) fait des étincelles. Il fallait oser réunir, dans un même film, des acteurs hypes, des pensionnaires de la Comédie Française, des transfuges du Jamel Comedy Club, des chantres du cinéma d’auteur radical ou, encore, des habitués du petit écran… le tout orchestré par un Jean-Pierre Bacri qu’on croyait définitivement revenu des comédies dites populaires. Pourtant, la direction d’acteurs et l’incroyable flair des réalisateurs sur le choix des interprètes permet à tout ce petit monde de se mêler avec un naturel déconcertant et, surtout, en ayant, pour tous quelque chose à défendre. A ce titre, on ne peut qu’être admiratif du travail d’écriture, puis de montage du "Sens de la fête", qui ne laisse pas un seul personnage sur le carreau et permet à tous de briller à un moment ou à un autre. Entre Jean-Paul Rouve et sa haine contre ceux qui prennent des photos avec leurs téléphones portables, Gilles Lellouche et ses vocalises, Vincent Macaigne et sa rigueur en matière de fautes de français, Eye Haïdara et ses coups de gueule, Alban Ivanov et ses grandes interrogations ou encore l’énorme Benjamin Lavernhe en futur marié névrosé (pour ne citer qu’eux), chaque scène fait mouche par un gag ou un dialogue ciselé. Ce coup de force est d’autant plus épatant que "Le Sens de la fête" pourrait être taxé, un peu rapidement, de "Bacri show", tant l’acteur est au centre de tout le récit et se rappelle à notre bon souvenir. Et il faut admettre que, aussi attendu soit-il dans ce registre, Bacri est, tout simplement exceptionnel, et ce dès la première scène en organisateur de mariage fatigué et nous rappelle qu’il est unique en son genre. Il est vrai qu’il bénéficie, comme ses camarades de jeu, de la qualité des dialogues et du sens du gag du duo Toledano-Nakache qui démontrent, une fois de plus, leur sens du timing comique (on a quasiment droit à un rire toutes les 30 secondes), leur goût pour les angles de comédie inattendus (le stagiaire du photographe et sa coupe de cheveux, les soucis avec le correcteur d’orthographe, le serveur qui ne dit que des évidences, les convives âgés qui demandent des chansons de leur époque au DJ…) et leur refus de faire dans la vulgarité. Car "Le sens de la fête" est, en plus, une comédie élégante, tant sur le fond que sur la forme, qui ne se sent pas obligé de faire rire avec des vannes scatos ou avec des accents… ce qui fait plutôt du bien. La musique est, une fois de plus, particulièrement soignée et participe parfaitement au rythme. Que reprocher, dès lors, au film ? Un sujet un peu trop inoffensif (surtout après "Intouchables") ? Ce serait oublier le rôle premier d’une comédie (à savoir faire rire), que le film dit deux ou trois choses sur le travail dissimulé dans la restauration et, surtout, ce serait négliger le caractère universel d’un repas de mariage qui parle à tout le monde et devrait assurer au film une certaine postérité. Pour ma part, j’ai seulement été un peu surpris par
la longueur de la scène du ballon et par son traitement. Je pensais, en effet, initialement, que l’idée était de se foutre un peu plus du futur marié mais il semblerait que le récit en fasse finalement une séquence suscitant une certaine admiration.
Pourquoi pas après tout (ce problème a d’ailleurs, quasiment disparu dès le deuxième visionnage) et, surtout, ce mini-défaut n’aurait pas suffit à faire du "Sens de la fête" une petite merveille comique à découvrir absolument.