Wissam Charaf a commencé par travailler dans des radios indépendantes à Beyrouth à la fin des années 1980 et s'est rendu à Paris en 1998. Exerçant les fonctions de monteur et cadreur de reportages pour la chaîne Arte, il a couvert la plupart des zones de conflit comme le Liban, le Proche-Orient, le Darfour, l’Afghanistan ou la Corée du Nord. Parallèlement, Charaf a été assistant réalisateur sur des vidéo-clips (Sinead O’Connor, Asian Dub Foundation, Noir Désir, etc.) réalisés par Henri-Jean Debon. Il décida ensuite de passer à la mise en scène via les courts métrages "Hizz Ya wizz", "Un héros ne meurt jamais", "L'Armée des fourmis", "Après" ainsi que le documentaire "It’s all in Lebanon". Tombé du ciel est son premier long métrage et a fait sa première mondiale à la sélection ACID du festival de cannes 2016.
Via Tombé du ciel, Wissam Charaf a voulu aborder l'héritage de la guerre civile au Liban parce qu'elle l'a durablement et profondément marqué pendant son enfance (il est né en 1973 soit deux ans avant cette guerre qui s'est achevée en faisant 200 000 morts). Le cinéaste explique : "On ne sort pas indemne d’une telle expérience. Tombé du ciel n’aborde pas cette thématique frontalement. Il l’aborde plutôt d’une façon décalée, qui touche à la fable et au fantasme, l’héritage de la guerre influe énormément sur le quotidien du Liban d’aujourd’hui", explique-t-il.
Tombé du ciel a été tourné en format carré, un choix esthétique personnel pour Wissam Charaf qui trouve que les images en 1.33 sont plus belles et plus proches de la réalité. "C’est un cadre qui semble emprisonner, fixer des limites de champ plus étroites sur les côtés et ainsi faire transparaître une vie plus étriquée que la normale", précise-t-il, en ajoutant qu'il s'agit également d'un cadre qui oblige à aller dans la profondeur, au propre comme au figuré.
Wissam Charaf a cherché à concevoir Tombé du ciel comme un film à deux tons qui oscille sur une ligne tenue entre deux émotions voisines : le rire et la tristesse. Le réalisateur développe : "Le film traite de petites choses terribles, d’une manière qui se rapproche d’un obscur désespoir, le tout sur un ton de dérision comique, de comédie foutraque qui évite à tout prix le drame social au premier degré. Au montage, il a fallu doser ce double ton. Avec William laboury, le monteur, Martin Rit, le chef-opérateur et Mariette Desert, la co-scénariste, nous discutions chaque version de montage pour essayer d’en tirer la sève, le mélange adéquat de burlesque et de mélancolie."
Raed Yassin, qui campe Omar, avait joué dans presque tous les courts métrages de Wissam Charaf. Ce dernier confie au sujet de cet acteur : "Yassin, c’est d’abord un corps. un corps d’oriental en surpoids, un corps poilu, qui sue, qui pivote sur lui-même sans tourner le cou à droite ou à gauche. Et dans ses yeux, il y a un regard extrêmement enfantin. Il est complètement hors normes". Plus globalement au sujet du casting, le cinéaste a choisi ses comédiens en fonction de ce qu'ils dégagent, sans qu'ils n'aient ensuite grand chose à faire au moment du tournage. "Je leur ai demandé d’en faire le moins possible, de rester sobre, de ne pas penser à la psychologie ou aux émotions", termine-t-il.
Tombé du ciel est également une parodie du film de genre qui utilise la figure centrale du revenant. Wissam Charaf développe cette idée en expliquant que, quelque part, tous les personnages du long métrage sont des fantômes puisqu'ils mènent des existences risiblement absurdes.
"Ils ont une part de comique, mais aussi une part inquiétante, imprévisible. Mais si on veut parler du fantôme principal (Samir), son apparition se fait de manière graduelle. De petits dysfonctionnements font leur apparition dans la logique d’un quotidien très présent. Et peu à peu, l’aspect fantomatique vient phagocyter le présent jusqu’à devenir le ton dominant. quant à la réaction d’Omar vis-à-vis de ce fantôme, elle est stoïque. On est probablement surpris d’abord par son “acceptation” de ce fantôme, mais ce que j’ai voulu dire par là, c’est qu’au final les grandes douleurs sont muettes. Enfin, pour la prise de conscience du frère sur sa nature irréelle, j’ai voulu procéder par une méthode d’élimination : il se rend compte tout seul qu’il y a quelque chose qui cloche chez lui. Il a rempli le cahier des charges d’un être qui n’est pas humain. et il en tire ses conclusions."