S'il affirme que Petra ne repose pas sur un sujet unique et que chaque spectateur peut se retrouver dans le film, le réalisateur Jaime Rosales reconnaît que l'identité et la lutte entre le bien et le mal en sont les thèmes prédominants : "L’intrigue est imprégnée d’un souffle tragique tout au long du film. Si je devais résumer la thématique de Petra, je dirais que c’est un film sur la recherche de soi et sur la rédemption".
Le quatrième film du réalisateur, Rêve et Silence, achevait à ses yeux une époque. Avec son film suivant, La belle jeunesse, et Petra, il cherche à revenir à la case départ et à prendre une nouvelle direction : "Petra est un film né de la nécessité d’aller à la rencontre du spectateur. Mes deux premiers films, Las Horas del Dia et La Soledad, ont vu la lumière de la salle de projection durant la première décennie du nouveau millénaire. C’était une époque pleine d’enthousiasme et d’une certaine euphorie juste avant la grande crise de la seconde décennie".
Il s'est pour l'occasion replongé dans la lecture de livres sur le cinéma et a revu des classiques du 7e art : "Aristote a été notre phare : 'Tout doit être surprenant et nécessaire'. Tout a été pensé pour que le spectateur entre dans le film. Pour qu’il s’installe à l’intérieur et voyage avec lui. Un voyage vers l’intériorité. Intériorité des personnages et intériorité du spectateur lui-même".
Barbara Lennie se souvient des essais peu communs qu'elle a passés pour Petra : "Plutôt qu’une scène à interpréter, ce fut davantage une conversation avec Jaime [Rosales] sur les choses de tous les jours, des choses de la vie, et des thèmes concrets comme l’argent, l’art, mes parents, mes priorités. Ce fut très déconcertant et une chose en amenant une autre, j’ai inventé. Plus tard, j’ai compris que tout était lié au film".
Petra est la première expérience d'acteur de Joan Botey, qui incarne le personnage détestable de Jaume Navarro. Ingénieur chimiste et agronome, il a publié un livre sur la biodiversité où il a intégré des aquarelles qu’il a lui-même réalisées. Marisa Paredes revient sur ce partenaire de jeu : "Travailler avec des acteurs non professionnels est toujours quelque chose d’assez rafraîchissant, car c’est presque comme une feuille blanche, on ne connaît pas cette personne, ni sa façon de travailler, il n’a pas de carrière derrière lui, tout est nouveau".
Petra est un film sur la résilience des femmes et sur leur lutte contre le patriarcat. Pour Barbara Lennie, "Les femmes au final sont celles qui dépassent tout. Et dans ce cas, ce sont les seules qui peuvent changer leurs destins tragiques". Sa comparse Marisa Paredes renchérit : "Ces deux personnages féminins, Petra et Marisa, qui réussissent à se trouver, le font grâce à la vérité la plus absolue, avec leurs tripes, leurs coeurs. Elles se trouvent, se reconnaissent, d’une façon que les personnages masculins ne pourront jamais connaître".
Jaime Rosales a une manière bien particulière de travailler. Très méticuleux, il prépare le plateau de manière mathématique, tout en demandant à ses acteurs d'improviser, comme l'explique Marisa Paredes : "il faut savoir que Jaime n’aime pas qu’on connaisse le scénario, on connaît la situation et à partir de là on dit le scénario mais avec d’autres dialogues. Il a un chronomètre pour chaque prise – et on dispose de X secondes ou X minutes pour la faire, et on ne peut pas y déroger car il n’y a aucun plan pour rattraper la situation". Il s'agit d'une improvisation à la fois libre et très maîtrisée mais qui doit paraître la plus naturelle et organique possible.