Est ce qu'Asghar Farhadi ne serait pas un peu lost in translation? Il me semble qu'entre raconter des histoires à l'occidentale, ou montrer subtilement les délires de son pays, il n'arrive plus à choisir, et s'embrouille entre les deux.
Emar (le bel et talentueux Shahab Hosseini) est professeur de lettres au lycée le jour, et, le soir, acteur de théâtre, avec son épouse Rana (Taraneh Alidoosti, peu expressive sauf dans les larmes et...enrobée, nous fait fort regretter la sublime Golshifteh!). Ils jouent..... Mort d'un commis voyageur, et on imagine les problèmes avec la censure. En tous cas, quand la fille légère sort de scène en disant qu'elle n'a pas eu le temps de s'habiller, alors qu'elle est vêtue d'un imperméable boutonné jusqu'au menton et porte un chapeau, on se dit: quelle farce ce régime!
L'immeuble où vivaient Emar et Rana étant sur le point de s'effondrer, les voilà contraints de se reloger, sans grands moyens, et un de leur amis de la troupe, le jovial Babak (Babak Karimi), met à leur disposition un appartement qu'il possède, en oubliant de leur dire qu'auparavant il y logeait une prostituée, qui est partie en laissant une partie de ses affaires. Et, un jour où Rana prend sa douche en laissant la porte palière ouverte, elle croit en effet que c'est Emar qui rentre, elle est assaillie par un homme manifestement pas au courant du changement de locataire, se blesse à la tête, ce qui est bien commode, le pansement permettant de suppléer au foulard dans la maison.... l'homme s'est enfui, il "ne s'est rien passé" ouf, l'honneur perse est sauf!! mais la jeune femme est gravement traumatisée.
A partir de là, on ne comprend plus où Fahradi veut en venir. Le couple ne veut pas porter plainte. Rana ne supporte pas de devoir raconter son histoire. Et Emar furieux veut se venger lui même. Ca devrait être assez facile puisque l'assaillant a laissé derrière lui ses clés de voiture, son portable et sa camionnette.... et que sur le répondeur téléphonique de l'appart, on peut retrouver la trace des anciens correspondants de l'accueillante dame. Il met quand même une quinzaine de jours avant de se décider... Est ce que Fahradi veut nous faire comprendre qu'en Iran, lorsqu'une femme porte plainte pour agression sexuelle, elle est systématiquement suspectée? interrogée? humiliée? passant du statut de victime à celui de coupable? N'oublions pas que la semaine précédente, une malheureuse violée vient d'être exécutée dans un pays limitrophe. Si c'est cela: ce n'est pas clair. Si ce n'est pas cela: on s'ennuie face à tous ces atermoiements.
Dommage, car la fin est belle, une fois le coupable identifié (Farid Sajjadihosseini). On a -enfin! un peu d'émotion devant un vrai problème d'humanité où la justice s'oppose à la pitié, tandis que le couple n'arrive plus à dialoguer. Mais vingt minutes intelligentes après une heure de flou, c'est un peu juste...