On croyait qu'on ne verrait plus jamais de bons et grands westerns, que le moule était définitivement cassé. Eh bien non, Scott Cooper a dû en trouver un sur "Le bon coin" et il nous a mitonné un film dans lequel on retrouve tous les ingrédients qui font les bons et grands westerns. Il faut dire qu'avec un comédien qui a commencé la réalisation avec un chef d'œuvre comme "Crazy heart", on va vers ses films avec, a priori, pas mal de confiance. Pourtant, les toutes premières minutes ne manquent pas d'inquiéter : des indiens (des comanches) qui se comportent comme de véritables sauvages en massacrant une famille de colons blancs, serions nous revenus au temps des westerns au racisme totalement assumé envers les indiens ? Sauf que, dans la scène suivante, ce sont des soldats de l'armée américaine qui se conduisent comme des sauvages avec des indiens : un but partout, la balle au centre. En fait, en montrant des antagonismes "musclés" entre indiens et colons, entre indiens, entre blancs, "Hostiles" montre que c'est l'ADN de la violence qui, d'une certaine façon, a construit les Etats-Unis. Mais il montre aussi, de façon très fine, que l'évolution de la mentalité des individus et qu'une ouverture vers l'"autre" sont toujours possibles, même chez des gens totalement obtus au départ, même chez des gens qui ont soufferts, dans leur chair ou dans leur âme, du comportement des "autres". Certain.e.s trouveront que c'est faire preuve d'angélisme de croire que de telles métamorphoses sont possibles, mais il n'est pas interdit de rêver !
Pour réaliser "Hostiles", Scott Cooper a énormément travaillé : il a adapté à sa façon la version préliminaire d’un manuscrit écrit par le scénariste Donald E. Stewart, en cherchant à lui donner un caractère universel ; il s'est entouré de spécialistes reconnus des amérindiens de façon à ce que soient fidèlement respecté.e.s le langage, les rituels et la gestuelle des indiens ; il a tenu à ce qu'une partie des dialogues se fasse dans la langue des cheyennes et que les costumes soient le plus proche possible de ceux de l'époque (la fin du 19ème siècle). Pour trouver les grandioses grands espaces que le film traverse, il a suffi au réalisateur et au Directeur de la photographie de balader leur caméra dans le Nouveau-Mexique, l'Arizona et le Colorado, il y en a des "comme ça" à tous les coins de rue ! Concernant l'interprétation, il a repris Christian Bale qu'il avait déjà dirigé dans "Les brasiers de la colère" : grandiose ; il a fait le cadeau d'un rôle à "Oscar" à la comédienne britannique Rosamund Pike (En fait, elle n'a rien eu du tout et le film n'a même pas été sélectionné. Pourtant, si on compare à "3 Billboards", il n'y a pas photo !). On retrouve aussi Wes Studi (Geronimo dans ... "Geronimo"), Ben Foster, Timothée Chalamet dans le petit rôle du "frenchy", et même, dans un petit rôle, l'écossais Peter Mullan. Un casting XXL ! Et pour mettre tout cela en image, Scott Cooper a de nouveau fait appel à Masanobu Takayanagi.
"Hostiles" est un western du 21ème siècle, autant dire que la violence n'est en rien édulcorée : le capitaine Joseph Blocker, le personnage principal du film, a tendance à se vanter du nombre d'indiens qu'il a eu l'occasion de tuer, quand bien même le déroulement du voyage va l'amener à se rapprocher de ses anciens ennemis, fusils et revolvers sont assez souvent à l'œuvre, et le "travail" peut se terminer au poignard. MAIS, contrairement à ce qui se passe chez d'autres réalisateurs, cette violence n'est jamais "gratuite" et elle n'est jamais exagérée. Quand un personnage est touché par une balle, il n'est pas projeté à 5 mètres par l'impact, le sang ne gicle pas par litres depuis la plaie. L'ouest des Etats-Unis était un monde de violence, le film se contente de le montrer, sans aucune ostentation. Tout cela donne un grand film humaniste, qui dégage énormément d'émotion et Scott Cooper apparait de plus en plus comme le fils spirituel de Clint Eastwood dans ce qu'il a de meilleur ("Crazy Heart" comparable à "Honkytonk Man", "Hostiles" au niveau de "Impitoyable").