Je ne voudrais pas jouer les pinailleurs, mais ce « Kursk » me chiffonne un peu. A commencer par le casting. J’ai bien compris que la firme Besson vise l’internationale. Donc en version anglaise. Ce qui fait qu’on voit les protagonistes russes parler anglais avec des acteurs non russes ! Venus de Belgique, d’Autriche, d’Allemagne, de Suède et de France. Pour la partie britannique, l’honneur est sauf avec Colin Firth. Après tout la série « Versailles » était en langue anglaise ! Ça m’a chiffonné rassurez-vous. C’est dommage. La version française était la plus appropriée sans doute ; elle donnait un caractère neutre. Pour en arriver à envisager une V.F, moi qui ne jure que par la V.O, je me demande si "chiffonné" n'est pas un doux euphémisme ! Autre vétille : un suspens vain avec les survivants. Des films à caractère historique où l’on connaît la fin, il y en a des pelles. Par exemple : « First man » ; on sait très bien que Neil Armstrong a posé le pied sur la Lune, mais ce qui est intéressant c’est tout le cheminement qui l’a mené à poser le pied sur la Lune. Ce sont tous ces hommes et ces femmes qui ont permis par leur travail de répondre aux souhaits de John Fitzgerald Kennedy. Et surtout, c’est appuyé par des témoignages. Lesquels se découvrent et s’ajoutent aux anciens peu à peu au fil des ans. Sans compter de nouvelles images d’archives. Ici, quid de ce qui s’est vraiment déroulé pour les survivants ? Personne n’a recueilli un témoignage et pour cause : aucun survivant ! Evidemment, des films qui imbriquent la petite histoire (fiction) dans la Grande Histoire (le réel), il y en a aussi des pelletés. Je rassure : « Kursk » est un bon divertissement ; même gêné par le casting, j’ai passé un bon moment. Mais le film aurait pu avoir une autre démarche artistique. Très bien de nous présenter ces marins à la fraternité cimentée à travers un mariage, payés avec des roupies de sansonnet. Très bien de les voir s’égailler à l’intérieur de leur sous-marin nucléaire. Mais après l’explosion, il aurait fallu ne plus les voir. Thomas Vinterberg aurait dû avoir l’audace d’occulter cette partie vaine. Il aurait dû placer le spectateur à hauteur des familles et des sauveteurs. Après l’explosion, le spectateur aurait été dans la même angoisse, dans les mêmes questionnements que les familles et les sauveteurs. Le spectateur aurait été embarqué avec les mêmes inquiétudes que celles des sauveteurs. Et le spectateur aurait partagé le même soulagement avec Gruzinski à l’écoute des coups de marteau. Je pense que le film aurait gagné en intensité. Il aurait été judicieux voire audacieux que les soi-disant survivants soient en hors champs ; excepté lors de l’ouverture trop tardive de l’écoutille issue des secours du Commodore David Russell. Le choix du réalisateur Dan Trachtenberg pour « 10 Cloverfield Lane » était un point de vue externe tout le long du film. Le spectateur avait du mal à croire aux propos du type joué par l’acteur John Goodman. On ne savait pas si c’était un psychopathe ou un protecteur. Tous les bruits angoissants et le lieu même n’inspiraient pas confiance. C’est pourquoi, je maintiens que ce « Kursk » aurait gagné en intensité et en valeur artistique si le réalisateur avait changé son point de vue après l’explosion. Ce qui est intéressant dans ce film ce n’est pas la vie en sursis de ces survivants, c’est la gestion calamiteuse, irresponsable des autorités russes dans l’opération de sauvetage. Toute cette partie est terrifiante et instructive. Tout ce cheminement fait d’hésitation, d’atermoiement, d’interrogations stériles, d’orgueil mal placé voire assassin est révoltant ; découvrir un pays qui envoie des cosmonautes dans l’espace, incapable de secourir des survivants, prisonniers dans un sous-marin en raison de moyens techniques dégradés, insuffisants est navrant. Un suspens aussi vain me direz-vous ? Non. Là on a des témoignages. Et je le répète, tout ce cheminement qui a conduit à la mort ces survivants est instructif. Ce sont des éléments que j’ignorais. « Kursk » aurait pu être plus qu’un film catastrophe à grand spectacle. Les russes savent faire. Seulement, Poutine aurait-il laissé faire ?