Un film de désespérée et plein de vie, une sorte de survival dans Paris où le classicisme du fond est surpassé par la forme. "Jeune Femme", primé à Cannes par la caméra d'or, est un film sur la solitude, le désespoir, où la vie a une part importante.
J'ai eu la chance de discuter avec Leonor Seraille, car en effet, le film est dans un certain sens autobiographique et fantasmé. Si Leonor, sortie de La Femis, voulait faire de son héroïne une personne sans gêne, à l'inverse d'elle-même, l'évolution de Paula dans Paris est similaire à son parcours. Paris est une ville où l'on est anonyme, où l'on se perd. Mais "Jeune Femme" n'est pas totalement le reflet d'une génération, bien que la course à l’emploi, la débrouille financière ou la fracture sociale soient universels. Car on touche de l'intime, on a l'impression de connaître Paula depuis toujours, c'est une femme faite de mots. Là se trouve le point fort du scénario, qui devait au final faire un résultat filmique de 3h30. Paula est un personnage de papier, elle souffre de sa vie, on l'a poussé de rien dans sa jeunesse, seulement d'amour. Sa mère, l'a accepté, depuis sa jeunesse, mais elle est différente de Paula. Paula est folle, hystérique, bipolaire et délivre un message social ; elle pousse son entourage à leur extrême limite (la scène du médecin par exemple, où Paula diagnostique son docteur). Seulement, tout le monde ne vit pas comme cela, c'est en ca que le film n'est pas le reflet d'une génération, c'est le portrait d'une femme. Mais qu'est-ce qui a poussé Leonor a écrire un personnage d'une telle envergure ? Est-ce un personnage ordinaire pour elle ? Laetitia Dosch en tout cas, n'est pas ordinaire. L'histoire était écrite en pensant à elle (et réécrit pour d'autres comédiens), qui elle-même inspire du Gena Rowlands ou du Cassavetes. Ce qui est sûr, c'est que l'actrice joue à merveille, et porte ce film haut en couleurs, surprenant et captivant. Un film qui vieillira, car marqué par son temps et sa bande originale (très bonne), mais qui sera intéressant en tant que document d'époque et portraitiste.
La réalisation est quant à elle plutôt convaincante et arrive à ne pas faire penser au manque de budget, grâce à une immersion complète et une intimité forte. Le montage est libre, tout comme Paula, constamment déchainée ; cette sensation de virevolter, de passer d'un moment de sa vie à un autre sans en comprendre comme on en est arrivé là se reflète, appuyant sur les personnalités de chacun des personnages, tous les plus complexes et attachants. Leonor a écrit ce moment de vie pour son diplôme de concours, tout en étant sous la dureté de son petit ami, la poussant à se dépasser, à intéresser le spectateur sur une histoire déjà vue. Si l'ensemble est réussi, il reste cependant quelques baisses de rythme, mais toujours reprises par une scène palpitante. Car le film est palpitant, et où la jeune femme passe, il n'en reste que tendresse et essoufflement.