Désolé… Franchement, pour tous ceux qui me lisent régulièrement, je suis vraiment désolé… Troisième purge que je me bouffe en une semaine. Je vous jure que je ne fais pas exprès. Je ne suis pas en train de virer maso. C’était juste une sortie avec un pote et il a choisi le film… Il n’avais pas vu « Amour » ; il ne savait pas ce qui l’attendait le pauvre… Ainsi donc ai-je donc subi cette nouvelle œuvre signée Michael Haneke et, faute de plaisir, au moins en ai-je tiré un enseignement. On a coutume de dire en sciences que c’est au regard des répétitions qu’on peut juger de la pertinence d’un modèle théorique. Eh bien là, en enchaînant cet « Happy End » à la suite de son précédent « Amour », j’ai désormais suffisamment d’éléments en main pour confirmer aujourd’hui ce que je soupçonnais déjà hier. Ce que j’ai donc appris en voyant ce film, c’est à quel point Michael Haneke est devenu une caricature outrancière d’un type de cinéma qui est lui-même outrancier… Deux minutes de plan fixe à filmer une gamine ranger ses affaires, fermer la fenêtre et dire « ça y est je suis prête ». Une minute d’un autre plan fixe à regarder des gens commander des Cornetto’s à la plage. Trente secondes d’images immobiles à écouter un gars aller pisser et tirer la chasse d’eau en hors-champ. Trente autres secondes à regarder la soubrette fermer la porte au milieu d’un repas où tout le monde attend bien trois secondes entre chaque prise de parole… Ce temps, il sert à quoi ? Il apporte quoi ? Parce que c’est vraiment tout le concept du film : trois-quarts du temps utilisé dans ce film se résume à cet usage là : faire durer ces choses qu’on coupe pourtant traditionnellement au montage… Pourquoi le faire donc ? le fait-il parce que ça génère un espace sensoriel particulier ? Bien sûr que non. C’est fait justement parce que ça ne se fait pas. C’est fait parce que ça désincarne et ça aseptise tout. C’est fait parce que ça rend le film aride. Masochisme ? Non. Elitisme… Elitisme, parce que oui, pour ceux qui ne seraient pas (encore) convaincus que la culture sert parfois d’outil de ségrégation sociale pour la « classe dominante », je vous conseille fortement d’aller voir « Happy End » afin de parfaire vos convictions. (…Et oui, désolé : j’ai osé parler de « classe dominante » : ça doit être une réaction à mon récent visionnage du « Jeune Karl Marx »… Mea culpa !) L’aridité : le meilleur moyen pour faire fuir le bas peuple des salles. L’aridité, c’est l’outil ultime pour assurer l’entre-soi social. En cela, la seule bande-annonce a su à elle toute seule fournir son lot de garanties. Phrases vides de sens, tons inexpressifs, plans fixes apathiques : un must du genre. D’ailleurs, à bien chercher un propos dans ce film, il pourrait être celui-ci : le bas-peuple, au fond, c’est méprisable. La vitesse, le rythme, le montage, la musique : tout cela ce sont des artifices qui ne sont bons que pour les jeunes Youtubeurs qui n’ont rien à dire si ce n’est parler d’eux-mêmes de manière superficielle. La vitesse c’est le m’as-tu-vu. Internet ce sont les échanges grossiers où on ne sait plus faire de poésie… Alors qu’en face, il y a le vrai monde. En face il y a l’élite. Cette élite qui sait prendre le temps ; cette élite qui vit dans l’exposition longue ; cette élite qui traduit son raffinement par son articulation lente des mots, par ses silences de trois secondes entre chaque phrase… Le « chic so chic », c’est de savoir rester bourgeois – même à Calais – et de jouir de son confort et de ses laquais arabes comme au bon vieux temps de la noblesse d’Empire et des colonies. Parce que oui, avec « Happy End », on en est à ce niveau de caricature là. C’est tellement grossier et insistant que ç’en est juste… affligeant. Et dire que lors de la promo de ce film, Haneke a osé dire : « je laisse les clichés aux autres… » Mais pauvre garçon… Dire cela, c’est vraiment voir la paille dans l’œil des voisins et ne pas voir le séquoia qu’on a dans le sien. Parce qu’en termes de clichés de cinéma bobo-parisiano-élitiste, là on atteint des sommets. Pousser à ce point le curseur de l’aridité, persuadé qu’ainsi on se raccrochera au sommet de la culture d’élite, non seulement ça touche à l’absurde, mais en plus ça témoigne d’un mépris hallucinant pour les gens, pour le cinéma, et même pour la culture en général… Mais bon, le pire dans tout cela, c’est que je ne dis même pas ça sur un ton agacé ou colérique. Non, je suis juste consterné de constater jusqu’à quel niveau de médiocrité est tombé cet auteur qui – pourtant jadis – avait su réaliser « Benny’s Video ». C’est triste franchement, même si au fond j’avoue que ça ne m’en tirerait même pas une larme de crocodile… Après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)