Le Retour de Mary Poppins : les secrets du tournage

Rob Marshall a fait ses débuts à Broadway en tant que chorégraphe et metteur en scène. Si ses précédentes comédies musicales (Chicago, Nine, Into The Woods) étaient des adaptations de pièces à succès, c'est la première fois qu'il a l'occasion de créer une comédie musicale pour le cinéma.

Pour Rob Marshall, réaliser Le Retour de Mary Poppins lui tenait particulièrement à coeur puisque Mary Poppins est le premier film qu'il a vu enfant : "C’est lui qui m’a fait aimer le cinéma, lui qui m’a donné le goût des comédies musicales, de l’aventure et du fantastique sur grand écran. Mais j’étais assez intimidé lorsque les gens du studio sont venus me voir. En effet, comment faire une suite à un tel monument : j’étais malgré tout ravi et très enthousiaste à cette idée... Jusqu’à maintenant, je n’avais jamais eu l’occasion de créer une grande comédie musicale directement pour le cinéma".

Mary Poppins trouve son origine dans le livre éponyme de P.L. Travers publié en 1934. Au cours des 50 années suivantes, elle écrira sept autres recueils dont Le Retour de Mary Poppins, Les Bonnes Idées de Mary Poppins et Mary Poppins en promenade. 

Pour cette suite, Rob Marshall a imaginé une histoire originale en combinant des éléments issus des différents ouvrages. Avec David Magee et John DeLuca, il a conçu une histoire qui se déroule à Londres durant la Grande Dépression du milieu des années 30 (l’époque des livres de P.L. Travers), c’est-à-dire 25 ans après les événements du premier film. Si les personnages de Jane et Michael Banks demeurent des enfants tout au long des livres de P.L. Travers, Rob Marshall a fait le choix de les présenter à l'âge adulte.

Rob Marshall retrouve Emily Blunt après Into The Woods. Il revient sur son interprétation : "Je comprends ce qu’elle fait, je comprends son humour... Nous sommes très proches. Elle a créé sa propre version du personnage, une version très spéciale et très personnelle qui se concentre davantage sur la Mary Poppins excentrique que l’on retrouve dans les livres".

Pour Le Retour de Mary Poppins, l'équipe a créé un nouveau personnage : l'allumeur de réverbères Jack, auquel Lin-Manuel Miranda prête ses traits. Rob Marshall explique : "Nous avons créé ce personnage d’allumeur de réverbères qui éclaire – littéralement et métaphoriquement – Londres en une période bien sombre. C’est un optimiste qui voit partout la lumière, même dans les ténèbres, et qui a su garder son âme d’enfant".

Dans les années 1930, les allumeurs de réverbères se déplaçaient à bicyclette avec des échelles pour grimper aux lampadaires et aux poteaux afin d’atteindre les becs de gaz. En 2016, lorsque le film était en production, il y avait encore plus de 2 500 lampes à gaz en service à Londres.

Emily Mortimer, qui interprète Jane Banks adulte, a pu rencontrer Karen Dotrice, l'interprète de la version jeune de son personnage dans Mary Poppins. Cette dernière fait d'ailleurs un caméo dans le film. Mortimer se souvient : "Lorsque nous sommes entrées sur le décor de l’allée des Cerisiers pour la première fois, Karen en a eu le souffle coupé. Elle était sans voix : c’était vraiment mignon et incroyablement touchant".

À 93 ans, Dick Van Dyke, interprète de Bert et de M. Dawes dans Mary Poppins, revient dans cette suite pour incarner M. Dawes, Jr, le président retraité de la banque désormais dirigée par son fils, joué par Colin Firth.

Les auteurs-compositeurs ont créé pour le numéro de danse et de chant Luminomagifantastique (Trip a Little Light Fantastic en V.O.) un jargon propre aux allumeurs de réverbère surnommé le "leerie speak" ("leerie" est un vieux mot écossais pour désigner ce métier), sorte d'argot cockney.

Les pistes orchestrales et le chant ont été préenregistrés avec un orchestre symphonique complet de 82 musiciens dirigé par Paul Gemignani (habitué des comédies musicales puisqu'il a travaillé sur Into the Woods et Sweeney Todd) au studio AIR Lyndhurst à Hampstead. Rob Marshall voulait s’assurer que les passages chantés soient intégrés harmonieusement au film, c'est pourquoi il a fait à nouveau enregistrer les voix des acteurs sur le plateau afin de capter l’énergie du direct.

La construction de la boutique de Topsy a duré 7 mois, il s'agit du décor le plus complexe du film. L'ensemblier Gordon Sim et son équipe ont écumé les antiquaires et brocantes d'Angleterre pour trouver des objets à intégrer dans le décor. Au total, 538 ont été récoltés, auxquels s'ajoutent d'autres articles conçus par l'équipe ou acquis d'une autre manière. Tous ces éléments ont ensuite été boulonnés et fixés au plafond d’un véritable décor renversé, qui a ensuite été retourné.

Il a fallu 26 semaines pour créer le décor du parc abandonné qui abrite le plus grand numéro du film et 18 semaines pour l'allée des Cerisiers. Au total, ce sont 8 plateaux de tournage des studios de Shepperton qui ont été utilisés.

Le tournage du plus grand numéro de chant et de danse du film a duré deux semaines, avec parfois jusqu'à 50 danseurs à l'écran en même temps. Les extérieurs de cette séquence de huit minutes ont été filmés à Middle Temple à Londres pour profiter de ses rues pavées, ses arcades et ses passages réputés. Quant au décor construit en plateau, il comprenait cinq niveaux différents, dont une fontaine décorée à trois étages, un pont, une serre et vingt-cinq lampadaires hybrides fonctionnant à l'électricité et au gaz. Cinq caméras ont été utilisées pour capturer l’ampleur et l’envergure de la scène dont une caméra fixe, deux grues, une caméra aérienne et une montée sur un chariot de travelling. 28 lampadaires équipés d’un socle rotatif et de sections adaptées aux mouvements de danse ont été spécialement créés pour le numéro, ainsi que 18 échelles en métal, en caoutchouc et en balsa. L'équipe a également acheté 100 BMX qui ont ensuite été vieillis.

Parmi les 448 costumes originaux fabriqués pour le film, celui de Topsy, la cousine fantasque de Mary Poppins, a demandé le plus de temps au département costumes : huit personnes ont passé cinq semaines à imprimer et peindre à la main le motif sur le tissu avant d’en fabriquer six versions identiques.

Pour les scènes fantastiques où Mary Poppins entraîne les enfants Banks dans des aventures extraordinaires, le réalisateur Rob Marshall a décidé d’utiliser le style traditionnel de l’animation dessinée à la main, car il souhaitait que les spectateurs retrouvent la nostalgie du premier film. L’animation 2D classique étant considérée aujourd’hui comme un art tombé dans l’oubli, c’était donc une occasion unique de faire revivre une forme d’art classique. Plus de 70 animateurs -dont certains étaient même retraités !- ont été recrutés pour concevoir et créer les séquences animées durant 16 mois. Jim Capobianco, superviseur des séquences d’animation, explique : "Certains des artistes avaient plus de 70 ans, mais ils avaient été si influencés et inspirés par l’animation traditionnelle dessinée à la main qu’ils ne pouvaient tout simplement pas laisser passer cette chance".