Horror Night
20h15 : Il est plus de vingt heures et le Mal menace dans l'ombre. Sous le clair de lune, tu vois un regard qui te glace le cœur. Tu essayes de crier mais la terreur s'empare du son avant que tu ne l'exprimes. Tu commences à être gelé pendant que l'horreur te regarde droit dans les yeux. Tu es paralysé. Parce que c'est un Thriller, la nuit du Thriller… Un peu comme une impression de déjà vu, non ? Cette sensation qui se profile au loin sans même devoir parcourir ton corps. Car tu le sais déjà, Stars 80 La Suite ne sera pas ce chef d’œuvre tant espéré, ni cet objet difforme plein de vitalité. La file d’attente vient de se former. Distribution de perruque oblige, la foule s’anime, grossit à mesure que le temps défile. Des sons disgracieux s’élèvent alors dans ce long et infernal corridor. C’est elle. La foule. Pleine de fans de la première heure et d’individus sentant le massacre émerger. A peine le temps de google-iser les raisons de ma présence ici (404 File Not Found), les portes de l’enfer pailleté s’ouvrent. Un de mes amis m’envoie : « Il est encore temps de te sauver ». Déterminé, j’ignore son message et m’engouffre dans la salle de cinéma. Grossière erreur.
20h30 : La salle se remplit. Quelques sièges restent vides. L’espace d’une seconde, je pense à cet espace libre et à la possibilité que j’avais de laisser mon siège vacant en restant dans mon lit devant la programmation Arte du lundi soir. La Peur devient totale lorsqu’une bonne partie de la salle enfile cette perruque aussi colorée qu’elle en est gênante. L’équipe du film se fait applaudir sous une marée d’applaudissements alors qu’un désespoir latent se met à pénétrer mon esprit, déjà enrhumé par ce festival de beaufitude. Le temps de chantonner un petit Born to be Alive et un léger Besoin de rien envie de toi, l’équipe s’éclipse alors que les dégénérés quinquagénaires se précipitent aux pieds de leurs idoles.
20h45 : Sur un air de Relax, le film commence. Les mains se claquent et les pieds se tapent. Première évasion spirituelle : non, mais, tu te souviens de ce passage dans Body Double où De Palma mettait en scène le clip de Relax avec une virtuosité si singulière. Ça avait quand même plus de gueule que ce ramassis de lourdeur. Un vrai sens du cadre, de l’espace, des lumières et de la place de la caméra pour susciter l’orgasme émotionnel. Pas comme ces intermèdes musicaux où le directeur de la photographie semble avoir tenté de se suicider après avoir découvert le projet qu’on lui avait confié. Mais que voulez-vous ? On ne fait pas du De Palma avec du Langmann.
21h : Alors que mon esprit divague, des mots doux viennent toucher mon tympan : La La Land. Non, pas de chorégraphie millimétrée, pas d’envolées nostalgiques ni même d’Another Day of Sun, juste une référence inutile alimentant une blague tout aussi inutile.
21h03 : Qui suis-je ? Où suis-je ? Pourquoi ? Autant de questions soulevées que d’Images à gerber. Car, avouons-le, le métrage de Langmann ne se mesure pas en terme de qualité visuelle, loin de là. J’assiste, impuissant, à ces effets de montage et ces plans non travaillés, à vous faire passer du Pécas pour du Chaplin. Tiraillé entre l’envie de fuite et celle de fête, je m’embarque dans l’odyssée moderne au plus profond des ténèbres de l’ennui, là où la folie s’immisce insidieusement dans le corps, comme un radeau sur le cours d’une rivière inexplorée. Werner Herzog n’est jamais loin, et son Klaus Kinski semble s’être mis à dos le Colonel Kurtz, pour une histoire de 45 tours de Jean Luc Lahaye. J’adore l’odeur du pas calme au petit matin…
21h22 : Comment manier avec subtilité l’art de la dissimulation ? Ce film n’en est pas un exemple. Quelques minutes viendront d’ailleurs nous le rappeler avec une ferveur si peu commune : la joyeuse bande s’amuse sur le jeu de société Stars 80, entonnant les tubes de leurs confrères dans un placement de produit tout en délicatesse ; démonstration bâclée de publicité, là où tout le monde semble rigoler sans se soucier de l’énormité à laquelle ils sont en train de participer.
21h36 : Une nouvelle fois, l’esprit s’éveille. On honore le nom de Madness (dont l'affiche tente, non sans finesse, de reproduire la pochette d’album culte) et son One Step Beyond. 3 secondes de bonheur instantané dans un ensemble foiré. Autant dire que pour le coup, la peine est grande, et la seule écoute du vinyle chez moi en aurait décuplé l’impact.
21h50 : Ce soir, c'est la nuit où on va y arriver. Ce soir, nous mettrons toutes les autres choses de côté. Je vais perdre le contrôle et je pense que j'aime ça. Car, dans cette chute libre à hauteur de scénario, un petit remontant des Pointer Sisters ne serait pas de refus pour ramener cette excitation perdue dans le néant de la stupidité. La transe musicale façon Sister Act se veut amusante, sympathique sans pour autant dégager l’euphorie attendue. Tant pis, l’exaltation attendra : il aurait été difficile, à ce moment là, de s’imaginer que deux heures plus tard, je me déchaînerai sur cette même chanson dans l’espace vide de mon salon. Totalement habité par la musique, comme ce Tom Cruise en caleçon sur un bon vieux rock de solitude…
22h15 : Puis la gaieté laisse soudainement place à la pitié. Des stars déchues qui, encore aujourd’hui, tentent de respirer cette gloire passée pour retarder l’instant fatidique que constitue l’oubli. Car sous cette apparente bienveillance, les stars se meurent, se complaisent dans cette célébrité de la nostalgie, toujours prêtes pour leur gros plan, allant jusqu’à batailler dans le grotesque pour conserver ce statut voué à disparaître.
22h30 : Les pensées fusent, alors que l’écran projette encore des morceaux de néant. Puis vient la déception. La déception dans un film voué à l’indifférence, pathétique non ? Car, je dois quand même avouer avoir ressenti une profonde contrariété en apprenant que Bonnie Tyler n’allait pas assurer l’apothéose du spectacle. Tout cela pour se voir remplacée par une star soi-disant de grande envergure : Renaud, ou celui qui est « toujours vivant ». A ce prix là, j’aurai quand même préféré m’enjailler sur le Total Eclipse of the Heart…
22h40 : Heureux d’apprendre que le mauvais goût serait absent du montage final. Cependant, le film est dans son unité, la parfaite représentation du mauvais goût à la française. L’arrière goût est amer, et pourtant, s’en dégage un appétit à force de nostalgie : Stars 80 La Suite et son seul réconfort, l'envie de réécouter quelques tubes des années 80. Visuellement, par contre, j'en suis resté au niveau de Gilbert Montagné...
23h : Mes yeux souffrent encore, mais mes oreilles en veulent encore. Confidences pour confidences, je n’ai pas aimé. Mais par la force incroyable des choses, je m’endors l’esprit habité par ces tubes sans lendemain et ces titres qui font du bien. Sûrement l’effet gueule de bois procuré par cette piquette de fond de placard.