Je n'ai pas tout compris à ce film.
Ce que j'ai ressenti très rapidement, c'est que ce "Creepy" a tout d'un hybride. Un mix d'un classique thriller occidental avec la saveur et la forme japonaise. Mais l'hybridation a souvent un coût, une tare que le procédé laisse au nouveau-né ; et je trouve que ce film n'en a pas qu'une. Attention, spoilers.
"Creepy" raconte l'histoire de Koichi Takakura, ancien inspecteur spécialisé en psychologie criminelle qui, à la suite d'un accident, va changer de vie. Il déménage avec sa femme, quitte la police et devient professeur de psychologie criminelle. Un de ses collègues universitaires, passionné de criminologie, lui montre son "enquête" en cours sur une affaire non élucidée de disparition remontant à 6 ans. Son passif d'enquêteur remonte à la surface et Koichi se laisse entraîner dans l'investigation. Mais il doit aussi composer avec sa nouvelle vie, son nouveau quartier, et un voisin particulièrement étrange et mystérieux. Celui-ci, à priori antisocial, va se montrer très intéressé par le jeune couple.
Cette accroche met en avant l'un des gros problèmes du film selon moi : le début possède deux intrigues de même importance. Apparemment, cela ne semble pas être un problème ; mais il devient rapidement évident au spectateur, vu que les deux axes narratifs sont traité de manière égale et parallèle,
que les deux intrigues vont se rejoindre à un moment ou un autre
. Et à partir de là, le mystère tombe à plat, et le suspense qui va avec aussi. Pire, lorsque ce qui doit arriver arrive comme prévu, les actions des personnages laissent entrevoir la fin du film ; et celle-ci arrive comme prévu. Le film est très prévisible, et pour une œuvre de ce genre, c'est un problème.
L'autre gros problème vient des personnages. La grande majorité des personnages sont mal écrits d'une part, et mal interprété d'autre part. C'est flagrant avec le couple principal dont les personnages possèdent le même charisme que le chien de la famille. Aucun des acteurs, à part Teruyuki Kagawa peut-être (le voisin), ne semble tellement investi dans leurs personnages. Leur jeu rigide sonne faux et on a du mal à y croire. Mais le véritable accroc vient des personnages de Koichi (protagoniste) et Nishino (Antagoniste). La construction de leur arc narratif à chacun est, selon moi, assez mal faite. D'un côté, Koichi clame dans un premier temps son désintéressement vis-à-vis de son passif d'enquêteur. Mais il va vite reprendre du collier pour reprendre l'expression, trop vite. Son changement se fait un peu trop brutalement et trop facilement. Alors, bien sûr, le spectateur comprend rapidement que Koichi fait ça par "manque" dans sa nouvelle vie peu trépidante ; mais à aucun moment ce "manque" se fait sentir et la rapidité de ce changement apparaît comme très artificielle. Comme si la seule raison de ce changement était que l'histoire en a juste besoin pour continuer, mais ça sonne creux. De plus, il passe d'un homme plutôt quelconque et distant à un ripou qui va jusqu'à malmener son témoin pour avoir des réponses. On a parfois l'impression d'avoir affaire à un Dr Jekyll et Mr Hyde japonais. Ce n'est pas crédible car le spectateur est en manque des motivations profondes de Koichi afin de comprendre son changement d'attitude.
Ce problème est encore plus important chez Nishino. À aucun moment je n'ai compris pourquoi ce personnage fait ce qu'il fait. Il est dit dans le film que ce personnage est un psychopathe. Moi je veux bien mais ce n'est pas suffisant et c'est trop facile. Un personnage doit avoir un but à faire ce qu'il fait, et le spectateur se doit de le comprendre afin de ressentir de l'empathie envers lui ; ce qui va faire que le personnage, même si c'est un salaud fini, va trouver l'intérêt du spectateur qui va alors vouloir continuer de le suivre. Mais ici rien ! Je suis peut-être passé à côté de quelque chose mais les motivations de ce type me sont inconnues. Du début à la fin, Nishino semble faire ces choses, parfois extrêmes, pour rien.
Ce qui n'aide pas non plus c'est que ce personnage manque de charisme.
On ne le voit jamais vraiment agir car il délègue les tâches à ses "complices zombifiés"
, il se fait passer pour un petit homme simple qui cherche à s'effacer, quand il est chez lui, on le voit toujours assis dans son fauteuil, devant la TV en mangeant des chips… Le seul moment où se personnage est vraiment intéressant est
l'altercation qu'il a avec la femme de Koichi (Yasuko) dans un parc et que celle-ci finit par se libérer de son étreinte
. Mais ce passage dure moins d'une minute et il arrive comme un cheveu sur la soupe, sans aucune explication, et encore une fois sans motivations.
ATTENTION : ZONE MEGASPOILER
D'ailleurs je trouve qu'il y a également un bon flou sur la méthode de Nishino. On apprend assez vite qu'il se sert de drogue pour mettre ses victimes dans un état second, proche de zombies. Encore une fois j'ai peut-être loupé un épisode ; mais j'aimerais vraiment savoir comment Yasuko est passé du stade où elle se libère de l'emprise de Nishino dans ce parc, en se débâtant ; au stade du "je suis choqué mais j'aide quand même l'otage de mon psychopathe de voisin à enterrer une victime emballer dans du plastique" ! Un tout petit peu plus loin dans le film, on voit le bras de Yasuko où il y a une dizaine de traces de seringues. Quand est-ce qu'elle a commencé à être droguée ?! Et pourquoi Nishino prend le risque idiot et démesuré de la laissé rentrer chez elle et voir son mari avec une telle preuve ?!!!
FIN DE LA ZONE MEGASPOILER
Pour ne rien arranger, le film est lent, et froid. En soi, ces choix sont justifié par le genre car l'installation d'une ambiance nécessite un rythme modéré ; et cela fait aussi parti du style du cinéaste. Mais même quand l'intrigue avance, on a l'impression que le temps est étiré…et la froideur du ton et des personnages rend le film fantomatique, presque dépourvu d'âme.
Au final, j'ai été voir ce film car la bande-annonce promettait un bon film policier à l'intrigue bien ficelé, et que je trouve que ce genre de film se fait malheureusement rare. En sortant de la salle, je n'ai pu m'empêcher d'être déçu. Comme à mon habitude, j'ai écrit des notes dans l'optique de l'élaboration de la présente critique ; et puis j'ai cru trouvé quelque chose.
Je me demandais pourquoi Kiyoshi Kurosawa (dont j'ai appris l'absence de tout lien avec feu Akira Kurosawa) insistait tellement sur le maniérisme typiquement japonais, à grand coup de politiquement correcte, de courbettes et de traditions, que nous autres occidentaux pouvons trouver quelque peu exagérés. Je me suis alors dit que le but possible de Kurosawa était de dénoncé cette société japonaise très rigide et dépassé. En poussant plus loin, on peut supposer que Kurosawa a voulu critiquer l'humanité actuelle qui se veut proprette et politiquement correct en façade, mais qui peut cacher des monstruosités.
C'est une hypothèse qui se tient. Je ne me mets pas à la place des auteurs et n'affirme pas sa véracité ; mais si elle met dans le mille, ça justifierais alors beaucoup de chose que j'ai critiqué plus haut.
Mais pour moi, ça ne suffirait pas à sauver le film. Trop froid, des personnages trop faibles, trop de lacunes scénaristiques, etc… Il y avait de très bonnes intentions au départ, mais la sauce ne prend pas.
Dommage.