Tout ’avait pourtant pas si mal commencé : sans remonter jusqu’au classique et classieux ‘King Kong’ de Peter Jackson, le ‘Godzilla’ de 2014, confié il est vrai à Gareth Edwards, s’était montré étonnamment convaincant : il retenait ses coups, ménageait ses effets et rendait dignement hommage au classique d’Ishiro Honda. Il avait été suivi d’un ‘Kong : Skull island” très bête et très drôle, sorte de série Z super friquée et d’un ‘King of the monsters’ tout aussi idiot mais cette fois dans le mauvais sens du terme : une surenchère stérile, même pas amusante, convaincue que mettre quatre monstres au lieu d’un ne pourrait que donner lieu à un film quatre fois meilleur. Malheureusement pour lui, ‘Godzilla vs Kong’ s’inscrit à son tour dans cette logique de fuite éperdue vers la démesure. Bien sûr, le cinéma américain n’a rien inventé, les Japonais avaient déjà mis le lézard et le singe face à face…mais le côté fauché et naïf de ces duels au sommet leur conférait finalement un côté curieusement attachant. Ici, toute la puissance de feu hollywoodienne est au service d’un projet engoncé dans un inénarrable premier degré débile. Rappelez-vous qu’on parle bien de monstres géants qui font du catch dans une grande ville et que quand on orchestre une rencontre entre deux icônes de la pop-culture, qu’il s’agisse de celle-ci de Freddy et Jason ou de l’Alien et du Predator, il est impossible d’échapper à la petite effluve nanarde qui s'accrochera au résultat final comme la dernière goutte de pipi dans le caleçon. En plus, franchement… ce n’était quand même pas difficile de rendre ça un peu fun. Ou de parvenir à faire ressentir la pesanteur et la lourdeur de ces titans en pleine séance d’aérobic. Ou de considérer que puisque les monstres ne prennent quand même pas tout le temps d’écran, il aurait pu être pertinent de trouver des trucs sympas pour meubler entre leurs apparitions. Ceci pour dire que ‘Godzilla vs Kong’ se ramasse sur les trois tableaux. Dans le premier cas, ça se prend très au sérieux. Dans le second, voir Godzi et Kong se flanquer des beignes réussit le tour de force de fournir un spectacle plat, qui ne parvient même pas à susciter la joie bestiale qu’on était en droit d’attendre mais qui ouvre au moins de nouvelles pistes quant au fait de savoir s’il faut en avant tout en vouloir à Adam Wingard parce qu’il a massacré ‘Blair witch’ ou parce qu’il a massacré ‘Death note’. Enfin, le dernier point souffre, non pas d’une carence mais d’un excès d’éléments narratifs étranges, entre la théorie de la Terre creuse, King Kong qui manie une hache, ou qui apprend à parler le langage des signes avec une enfant indigène (un peu comme si vous pouviez distinguer les gestes d’amitiés que vous lancent les acariens de votre matelas). On ne comprend pas non plus la raison d’être, hors contingences contractuelles, des personnages joués par Kyle Chandler et Elza Gonzales tout comme on suit les pérégrinations de Millie Bobby Brown et de ses potes geeks et complotistes, sans jamais parvenir à percevoir la finalité, l’utilité ou même simplement la manière dont leur mission se raccroche au reste. ‘Godzilla vs Kong’ réussit donc la prouesse d’insérer de l’ennui un peu partout, au milieu de mélange de vide et de grand n’importe quoi mais si j’ai bien compté, l’essentiel des monstres de la Toho et d’Universal sont à présent passés entre les griffes de Godzilla et on devrait avoir la paix durant quelques années.