A l'origine des Nuits blanches du facteur, il y avait cette envie pour le réalisateur d'évoquer un phénomène bien connu en Russie, à savoir celui de ces très nombreux villages coupés du monde à cause de routes impraticables et dont les facteurs sont les seuls relais avec le monde extérieur. C'est à la suite d'un article sur ce sujet que Andrei Konchalovsky a pu voir sur internet, qu'il a décidé de consacrer un film à ce fait de société. Il a en outre poussé le réalisme jusqu'à exiger de prendre un réel facteur et l'interprète principal du film, Aleksey Tryapitsyn, joue donc ici son propre rôle.
Andrei Konchalovsky, qui a notamment commencé en travaillant comme scénariste pour Andreï Tarkovski, est un grand amateur du cinéaste français Robert Bresson à qui il emprunte cette particularité de n'avoir employé ici que des acteurs non-professionnels. Hormis la comédienne de théâtre Irina Ermolova, les autres personnages sont interprétés par des acteurs débutants comme Timur Bondarenko découvert dans une école de théâtre à Moscou ou tout simplement par différents habitants de la région d'Arkhangelsk où le film fut tourné.
A casting atypique, préparation atypique. Andrei Konchalovsky n'a pas procédé de manière traditionnelle quant à la préparation du film notamment autour de la question du scénario, puisqu'il déclare : "Nous n'avions pas de scénario. Nous l'avons "écrit" au moment du montage."
Le cinéaste a planté sa caméra dans la région de l'Arkhangelsk, au nord de Moscou, qui est également appelée "La ville de l'archange" en référence à l'arrivée en Russie du premier Français, Jean Sauvage, en 1586. Le choix de cette province vient du fait que l'interprète du facteur du film, Aleksey Tryapitsin que le réalisateur a longtemps cherché à travers tout le pays, est originaire de ce coin de Russie.
Les Nuits Blanches du facteur constitue l'occasion pour Andrei Konchalovsky de parler de son pays, la Russie. Il déclare : "La Russie n'est ni pauvre, ni arriérée. C'est un pays médiéval. Encore aujourd'hui. Et c'est tant mieux. Ses traditions, ses conceptions du monde, une voie de développement particulière, c'est cela sa richesse. Nous sommes un peu sauvages, un peu tumultueux, un peu dingues même. Et alors ?"
Les régions comme celle du film étant coupées de la civilisation sont quelque chose de bien connu en Russie. En revanche, cela n'est pas vraiment le cas pour les autres pays qui n'imaginent pas forcément à quel degré d'archaïsme ils vont assister à la vision du film. Présenter une image inédite de certaines contrées russes au public occidental, tel est l'un des postulats du réalisateur Andrei Konchalovsky, qui souligne : "Je vais montrer mon film aux "acteurs" du village. Je ne pense pas que cela va les intéresser. Mais le public occidental va y trouver un certain intérêt. Ils sont peu familiarisés avec la vie russe. Ils auront du mal à croire qu'il y a des endroits où les gens vivent comme ça."
En recevant le Lion d'Argent à la dernière Mostra de Venise, Andrei Konchalovsky a bouclé une boucle qui avait commencé il y a plus de cinquante ans, plus précisément en 1961 lorsque, co-scénariste de L'Enfance d'Ivan d'Andreï Tarkosvki, il était venu y défendre le film qui avait obtenu le Lion d'Or. Ce film avait lancé sa carrière au cinéma et revenir à Venise avec Les Nuits blanches du facteur résonne comme l'aboutissement d'une carrière reconnue tant en Europe qu'aux Etats-Unis.
Habitué des festivals de cinéma, le cinéaste Andrei Konchalovsky a remporté avec Les Nuits Blanches du facteur, le Lion d'Argent lors de la dernière édition de la Mostra de Venise.