Il n’y a pas d’ambiguïté dans le titre : le sujet du film est bien la relation d’amitié entre Paul Cézanne (1839-1906) et Emile Zola (1840-1902) depuis le collège Bourbon (aujourd’hui lycée Mignet) en 1852 à Aix-en-Provence. Le peintre (Guillaume Gallienne) occupe une place prépondérante, vu son caractère égocentrique et asocial mais qui en fait un personnage peu sympathique. Guillaume Canet joue l’écrivain, tout en retenu, un peu froid même et dont l’amour pour sa lingère
(Jeanne Rozerot, 27 ans de moins que lui et qui lui donnera deux enfants alors qu’il n’a pu en avoir avec sa femme Alexandrine)
est bien rendu. Malgré tout le talent de ces deux acteurs, on a du mal à s’intéresser à eux (le film ne démarre vraiment qu’au bout de 40 mn, sur une durée totale de 1h54), d’autant que le mystère de la création artistique est peu évoqué, surtout pour Cézanne. Heureusement, il y a quelques scènes fortes : dîner chez Zola en compagnie de ses amis
qui ont réussi et où Cézanne, aigri, est insultant à leurs égards
, dissension entre Cézanne et son modèle, Hortense Fiquet (Déborah François) avec qui il a un enfant), rencontre entre les 2 amis à Médan (Yvelines), où Zola acheta une maison en 1878 et dispute au sujet de son roman « L’œuvre » (1886) où le peintre Claude Lantier est inspiré de Cézanne. Le film débute d’ailleurs à Médan en 1888 avant d’avoir un parcours chronologique à partir de 1852 (avec quelques « flash-backs » où la longueur capillaire des 2 artistes permet de nous repérer dans le temps !) : montée à Paris en 1860 de Zola, naturalisation française en 1862, salon des peintres refusés en 1863 (initié par Edouard Manet et accepté par Napoléon III), guerre de 1870 pendant laquelle les 2 amis ont quitté Paris pour Marseille (L’Estaque exactement pour Cézanne). Un film donc inégal où la « mayonnaise » ne prend pas malgré l’interprétation excellente de tous les acteurs, la reconstitution des rencontres avec les peintres devenus célèbres depuis (Manet, Renoir, Morisot, Pissarro, Bazille) et la splendeur des paysages de Provence. Peut-être parce que cette forte amitié (comme celle de Montaigne et La Boétie) ne se prête pas à la mise en images (on est loin d’Achille et Patrocle dans l’Iliade !) et qu’une évocation plus large (mais hors-sujet du film), à la fois, de la création littéraire de Zola et de son rôle politique et de la création artistique de Cézanne (bien rendu dans un court documentaire présenté au centre d’art Caumont à Aix-en-Provence), riche de 900 peintures et 400 aquarelles, aurait rendu, peut-être, plus attachant les personnages. .