Le film est présenté à Un Certain Regard au Festival de Cannes 2015.
L'histoire de Masaan est née à la suite d'une discussion entre le cinéaste Neeraj Ghaywan et un de ses amis qui lui a parlé des ghats de crémation dans la ville de Bénarès au nord de l'Inde, où les corps sont brûlés près de l’eau, selon la tradition : "J’ai immédiatement été fasciné par son récit et je lui ai demandé : « Que se passerait-il si un garçon qui travaille sur le ghat tombait amoureux d’une fille ? Et s’il était issu de la caste la plus basse de la société et qu’elle appartenait à la bourgeoisie, si bien qu’il était incapable de lui dire qu’il l’aime ?"
Avant de devenir metteur en scène, Neeraj Ghaywan a entrepris des études commerciales, a ensuite travaillé dans une société de production puis sur des tournages comme assistant réalisateur. Son oeuvre traite souvent de sujets sociaux et s'inspire notamment de Michael Haneke ou des frères Dardenne. De fait, il cherche à rendre ses films authentiques et s'est donc, pour Masaan, rendu dans la ville de Bénarès pour rencontrer des personnes proches de ses personnages.
Le réalisateur souhaitait aller à l'encontre des chemins tracés qu'empruntent de nombreux films quand ils abordent la perte d'un être cher, en y filmant que la tristesse et la souffrance. Selon lui, toute cette douleur peut également faire naître en nous une profonde sagesse : "La souffrance est source d’enseignements, et elle rend le plus souvent beaucoup plus sage. Pour moi, le film est un récit initiatique, dans lequel la douleur peut s’avérer positive et n’est pas forcément synonyme de détresse absolue. D’ailleurs, Bénarès est connue comme la « ville de la mort », et on raconte que si l’on meurt à Bénarès, on trouvera le salut. C’est pourquoi c’était d’autant plus important d’y situer l’intrigue."
L'un des enjeux de Masaan était de ne pas tomber dans les nombreux clichés liés aux villes indiennes où l'on filme le plus souvent "des figures de la divinité, des célébrations religieuses et des motifs hindouistes. On ne voulait rien de tout cela, mais plutôt montrer la réalité du monde dans lequel vivent les personnages, sans l’enjoliver. D’où le fait que nous ayons tourné l’intégralité du film en décors naturels."
Vicky Kaushal, l'interprète du personnage de Deepak qui a auparavant travaillé comme assistant mise en scène au côté de Neeraj Ghaywan, est un ami du réalisateur. Ce dernier reconnait avoir hésité à le choisir : "Je ne voulais pas être influencé par notre amitié. Mais j’ai été emballé par son audition et je n’aurais pas trouvé un acteur plus convaincant que lui. Dès qu’on a atterri à Bénarès, je lui ai dit, « si tu ne fais qu’une chose pour te préparer, va sur le ghat », et il y a passé l’essentiel de son temps. Il est « devenu » le personnage. Pendant des jours et des jours, il est resté là bas pour observer les crémations, ce qui peut être extrêmement effrayant une fois la nuit tombée."
Neeraj Ghaywan voulait une approche très éloignée de ce que l'on peut trouver le plus souvent dans le cinéma indien de Bollywood. Le metteur en scène explique : "Les gens sont de plus en plus attirés par des films qui abordent de vrais sujets et qui s’appuient sur de bons scénarios – ils commencent à se lasser des chants et des danses ! Du coup, on ne voulait aucune scène de chant ou de danse dans notre film. Je crois vraiment qu’un film est fait pour émouvoir et présenter des situations réalistes."