Un presque documentaire tourné dans une prison désaffectée de Rennes, extraordinaire de pertinence, de justesse et de sensibilité sur la dureté de la vie quotidienne en milieu carcéral.
On a beaucoup vu d'histoires extraordinaires qui font sensation et qui gagnent en intensité parce qu'elles sont vécues derrière les murs, mais dans La Taularde le récit n'est pas destiné à faire sensation, car c'est inutile. Chaque réplique, chaque plan, chaque détail des mouvements “qui restent encore” à celles qui sont enfermées, parlent davantage que le ferait le scénario complexe d'un ultime polar qui a lieu en prison. La psychologie des matonnes et des détenues est peinte par petites touches, tout en finesse; sans jamais exploiter leur détresse, mais en ne soulignant que les difficultés inhérentes à la détention elle-même.
Les douches, les parloirs, les coursives ou s'enfilent les cellules, les serrures immenses, mais surtout le bruit des portes, le vacarme permanent qui raconte que l’intimité a définitivement disparu. Chaque détail est d’un exactitude troublante.
Le choix d’un récit qui table sur l’intégration d'une criminelle que sa vie ne condamnait pas d’emblée à le devenir, est judicieux. Il permet au spectateur lambda qui ignore les affres du Chtar, du Hebs, de la Zonzon, de s'identifier à l'impossible adaptation à laquelle l’héroïne doit faire face. Sophie Marceau joue parfaitement sa partition, entre «fausse gloire», courage forcené, obstination, colère, et enfin acceptation de la sidération qui va avec cette condition sans nom.
Aucun qualificatif ne saurait dire cette humiliation, aucun discours ne saurait analyser jusqu’où l’enfermement prive l’âme de liberté, mais ces images et la justesse de ces dialogues disent enfin l'indicible du milieu carcéral quand il se conjugue au féminin. L’angle spécifique du département des femmes, a toute sa pertinence. Il est le théâtre d'une violence différente de celle que l'on trouve chez les hommes, mais elle n'est pas moins forte.
L’enfermement au féminin exacerbe les enjeux affectifs qui existent aussi chez les hommes, mais qui sont souvent éclipsés par ceux de la réussite, des ambitions déçues, et de la domination très schématique des uns par les autres.
Rappelons qu'en France les femmes ne représentent que 2% de la population carcérale, mais elles sont indiscutablement le paradigme des enjeux qui concernent l’ensemble des détenus. Il y a bien davantage de crimes de sang chez les femmes que chez les hommes (50% contre 10%), et de ce fait, leur détention -même si très minoritaire- exprime l’extrême dérive de l’humanité. Au plus profond de la déchéance, le “peu” de femmes enfermées disent davantage la perdition de l’individu, que tout ce qui se joue massivement dans les délits et les divers «brigandage» qui remplissent les faits divers du quotidien.
Si la population masculine qui sur-peuple les cellules délabrées des prisons dit l’état de la société, les femmes exacerbent le tragique de la détresse psychologique à son extrême, et donc de la condition humaine.
Un film simple, puissant de justesse, toujours pertinent et intelligent. Un récit qui s'efface au profit d'un propos qui tient à tout moment le cap dans l'essentiel de ce qu'il véhicule.