Taulardes : la réalisatrice a bâti une prison où elle s’est elle-même enfermée à coups de clichés plus attendus les uns que les autres. Et c’est bien dommage.♥♥
Malgré son jeune âge, avec Taulardes Audrey Estrougo réalise son quatrième film sur la condition féminine en milieu carcéral. Dans son œuvre précédente, Une histoire banale, elle racontait déjà un récit décliné du point de vue de la femme, pour mieux dénoncer le viol, cherchant à annihiler la présence de l’homme. Ici Mathilde Leroy (Sophie Marceau) vit ses premiers jours en prison après avoir aidé son mari à s’évader. Plutôt que de sauver sa peau en le dénonçant aux autorités, elle préférera se sacrifier, jugeant dérisoires les deux années dont elle doit s’acquitter, comparées à la peine maximale dont il pourrait écoper.
Produit par Julie Gayet (également actrice) et tourné à Rennes, dans la prison Jacques Cartier (fermée depuis 2010), le film capte avec un réalisme accru le quotidien de femmes désormais rassemblées par la même détermination: celle de vouloir survivre. Force est de constater que la réalisatrice maîtrise l’outil cinématographique avec précision, arborant des cadrages assurés, que ce soit en split screen ou en contre-plongée, de manière à grossir le trait décrivant l’état mental des personnages. Peu de champs-contrechamps dans des scènes où l’action se situe du point de vue de Marceau et de ses tourments intérieurs.
On croît à la sincérité de la démarche de la metteuse en scène de vouloir dénoncer certains abus commis dans les prisons pour femmes (avec ce médecin qui se fait de l’argent sur le dos des détenus) en mettant aussi en exergue la profession difficile de surveillante (personnage attachant qui souhaite bonne nuit à chaque cellule). Pourtant, dès les premières images, on est agacé par les idées éculées que véhicule Taulardes sur la vie carcérale, sans jamais proposer le moindre regard neuf. Tout y passe : les piqûres de punaises de lit, les toilettes qui débordent, les murs crasseux, etc. jusqu’au bizutage de Mathilde par sa codétenue, Kanté. Cette dernière lui volera son matelas, changera le poste de télévision à répétition et pénétrera même son intimité sous la menace d’une arme.
On sent bien l’intention de vouloir créer une œuvre foncièrement naturaliste en utilisant par exemple le maquillage de Marceau qui, tout comme son interprète, finit par devenir absent. Elle est de tous les plans, ou peu s’en faut, cependant, elle ne convainc pas dans le rôle d’une femme ordinaire se retrouvant subitement en prison et qui, au fil des jours, se rebelle et découvre en elle une force qu’elle ne se connaissait pas. Elle ressemble à s’y méprendre à Guylaine Tremblay dans la série québécoise Unité 9. Les deux personnages sont des professeures de lettres, incarcérées par amour d’un proche, qui reprennent certaines des gardiennes sur leur conjugaison ou leur orthographe. Et que penser de la présence de Suzanne Clément dans les deux projets? Cette dernière incarnait dans la série un personnage bavard haut en couleurs qui semble ici avoir perdu notre intérêt tout comme son accent québécois. On se demande encore pourquoi.
Sans faire la révolution, le film aurait gagné à être dans l’inhabituel, le moderne et la témérité au lieu d’enfoncer des portes déjà béantes. Certes, Taulardes reste bien écrit et fait la part belle à des actrices de talent (Anne Le Ny et Marie Denarnaud en tête). Chaque personnage a son moment de gloire mais cela ne suffit pas à le relever de la lourdeur que la réalisatrice lui a imputé à négligence.