Roschdy Zem comédien à la filmographie assez impressionnante (67 films en 28 ans de carrière) a toujours montré une vivifiante rigueur intellectuelle dans ses choix artistiques. Le Roschdy Zem réalisateur (3 films à son actif) s'inscrit dans la même démarche, prônant le rapprochement entre les hommes au-delà du fossé creusé par les différences. Son cinéma engagé sans être militant puise ses sources dans celui d'un Ken Loach ou d'un Lucas Belvaux. Le culturisme source autant de fascination que de moquerie demeure un univers méconnu, porteur de tous les fantasmes et de toutes les suspicions. En ces temps où tous les sports exhibent leurs stars aux revenus mirobolants, le culturisme pris dans ses contradictions reste comme enfermé dans un ghetto. Seul Arnold Schwarzenegger a réussi à se hisser par son sport au firmament de la gloire devenant pour toujours l'unique totem de tous ceux qui rêvent de sommets en soulevant de la fonte dans ces salles où les miroirs sont aussi nombreux que les engins de tortures destinés à façonner les corps selon les critères esthétiques de ce sport si particulier et si exigeant. Zem ne s'y est pas trompé qui entame son film avec une interview de Schwarzenegger quand il était encore Monsieur Univers. Vincent Morel (François Gauvin Yolin) qui a découvert le culturisme sur le tard avec une réussite exemplaire s'est dévoué corps et âme à cette passion exclusive et dévorante qui forcément l'a coupé de sa vie d'avant avec sa femme et ses deux fils abandonnés depuis près de vingt ans. Quand son fils cadet Antoine (Vincent Rottiers) petit délinquant de banlieue en fuite de ses créanciers débarque chez lui, c'est tout son passé et ses manques qui remontent à la surface alors que devant lutter contre un corps vieillissant, il aborde dans la douleur la préparation d'un championnat. C'est tout l'enjeu du film de Zem que de montrer comment le narcissisme du colosse va se lézarder sous les coups de boutoir conjugués de l'âge et d'un fils réclamant sa part d'amour à un père qui l'a laissé sans armes pour affronter la vie. Scrutant sans concession mais avec bienveillance les rites d'un sport (vie monacale, surenchère entre pratiquants, produits dopants) qui laisse à la marge tous ceux qui entourent l'athlète (prestation remarquable de Marina Fois en compagne compréhensive mais lucide de Vincent), Zem ne juge jamais, se contentant d'observer intrigué cette souffrance dûment acceptée pour atteindre une perfection du corps sans doute destinée à masquer une difficulté à s'accepter, communiquer et partager. Sans beaucoup de mots les deux hommes vont apprendre à se connaître, Vincent offrant par sa rigueur comportementale un modèle à un Antoine s'étant construit sur la débrouille et le mensonge. La marginalité des deux hommes va les amener à se comprendre en franchissant chacun une nouvelle étape de sa vie. P
our Vincent la distraction de son objectif par les frasques de son fils ne lui permettra pas de remporter ce championnat de la revanche, signe pour lui qu'il est temps de raccrocher. Antoine quant à lui comprendra que mentir aux autres s'est se mentir à soi-même
. Toujours pudique et jamais dans le démonstratif, Zem dépeint parfaitement les cheminements mentaux qui s'opèrent, montrant qu'aucune situation n'est jamais définitivement figée, les choses et les caractères étant évolutifs. Les acteurs sont remarquablement dirigés avec une mention spéciale pour François Gauvin Yolin dont la prestation en tout point remarquable de sobriété et de véracité rappelle toute proportion gardée l'éclosion d'un ancien lutteur professionnel dans les années 1950 devenu un des plus grands acteurs du cinéma français. On frémit à l'idée qu'Antoine De Caunes était prévu initialement pour jouer le rôle de Vincent. autant demander à Marthe Villalonga d'interpréter un biopic sur Marylin Monroe. Son film étant un des rares sur le sujet et toujours en hommage à l'icône du culturisme, Zem n'a pas résisté au plaisir de reproduire la scène désopilante de "Stay Hungry" le film de Bob Rafelson sorti en 1986 avec justement Arnold Schwarzenegger dans son premier rôle significatif où une brochette de culturistes en tenues d'apparat quittaient leur salle d'entraînement pour aller jouer les justiciers au milieu de badauds ébahis. C'est avec gourmandise que l'on attendra le prochain travail de réalisateur de Roschdy Zem.